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Investigation Financière Economique et Boursière
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10 juin 2009

Vue d'ensemble de l'impact sur les comptes du propre risque de crédit (own spread) des plus grandes banques internationales

Vue d'ensemble de l'impact sur les comptes du propre risque de crédit (own spread) des plus grandes banques internationales

Selon le principe du "Qui pourrait perdre gagne d'abord".

Cet aspect a déjà été évoqué dans un précédent article : Mieux comprendre la crise financière Partie V CDS Credit Default Swap et CVA Credit Valuation Adjustment.

http://investigationfin.canalblog.com/archives/2009/05/15/13739249.html

Les comptes publiés de Citi et Morgan Stanley pour le premier trimestre 2009 avaient attiré l'attention sur l'impact sur le résultat des propres spreads de la banque.

Le principe absurde est le suivant : plus le marché pense que la banque est mal en point, moins la banque valorise ses dettes et dettes de dérivés de crédit, et plus la banque enregistre un impact positif sur son résultat.

Ainsi, le risque de crédit de Citi s'est détérioré au premier trimestre 2009, la banque américaine a comptabilisé un profit avant impôt de 2,5 milliards de dollars. Inversement, le risque de crédit de Morgan Stanley s'est amélioré et la banque a enregistré un impact négatif sur son résultat avant impôt de 1,5 milliards de dollars.

Dans cet article, nous allons montrer :

- que ce principe n'est pas propre aux banques américaines, nous tenterons de comprendre s'il est même défini par les normes comptables FASB (US) et IASB (International Accounting Standard Board) ;

- qu'il est appliqué depuis l'émergence de la crise financière, à savoir depuis 2007 ; nous fournirons les données chiffrées relatives à cet impact depuis 2007 pour les plus grandes banques internationales.

Convergence de traitement ou non entre les normes IASB et FASB sur la question de l'incidence du risque de crédit propre de la banque sur ses dettes et dérivés de dettes

Les publications des différentes banques étudiées permettent de mesurer l'impact du principe du "qui pourrait perdre gagne d'abord".

Les normes comptables l'ont-elles érigé en principe ?

1) Normes américaines FASB

C'est la norme SFAS 157 (Statement of Financial Accounting Standards) Fair value measurement qui introduit le principe du risque de non-performance d'un engagement, incluant le propre risque de crédit de l'entité. Cette norme a été éditée en novembre 2006 mais sa mise en place est effective pour les états financiers émis pour les exercices fiscaux démarrant après le 15 novembre 2007.

Dans son rapport annuel 2008, JP Morgan sonne la charge contre ce principe en le traitant d'absurde !

"A new mark-to-market rule addresses debit valuation adjustments. Essentially, we now have to mark to market credit spreads on certain JPMorgan Chase bonds that we issue. For example, when bond spreads widen on JPMorgan Chase debt, we actually can book a gain. Of course, when these spreads narrow, we book a loss. The theory is interesting, but, in practice, it is absurd. Taken to the extreme, if a company is on its way to bankruptcy, it will be booking huge profits on its own outstanding debt, right up until it actually declares bankruptcy

at which point it does no

t matter."

Les titres de dettes concernés sont des titres émis par la banque. Leur valorisation doit tenir compte des spreads de crédit propres à la banque. A l'extrême, une banque proche de la faillite pourra dégager des profits très importants sur sa propre dette !

Pour Bank of America et Citi, le principe semble concerner uniquement ses engagements de dérivés de crédit (derivative liabilities). Goldman Sachs évoque ses "unsecured borrowings". JP Morgan précise que le principe s'applique à ses dérivés de crédit et certaines dettes structurées (certain structured liabilities and derivatives). Morgan Stanley indique que l'impact concerne aussi bien son activité de Fixed Income que d'Equity, sur des titres aussi bien court-terme que long-terme (long-term and short-term borrowings accounted for at fair value). Credit Suisse est encore plus généraliste et parle d'impact sur ses dettes (debt).

2) Normes européennes IASB

La norme IAS 39 Instruments financiers, comptabilisation et évaluation date de décembre 1998. La norme et ses amendements ne semblent pas confirmer implicitement comme la SFAS 157 le recours au risque de crédit propre d'une entité.

Dans les décisions du conseil d'administration de l'IASB d'avril 2003, le conseil n'autorise pas l'exclusion des effets du risque de crédit propre d'une entité en juste valeur. La communication distincte d'un tel effet n'est pas exigée.

Dans les discussions de décembre 2004, l'IASB indique que l'obligation d'information par la norme IAS 32 de l'effet du propre risque de crédit persiste, mais tant qu'une méthode n'a pas été clairement déterminée pour être érigée en standard de comptabilisation, aucun critère de reconnaissance ne sera introduit.

Le sujet doit de nouveau être abordé dans les discussions du mois de mai 2009, dans le sens d'un pour ou contre. Le document relatant les discussions pourrait être publié en juin ou en juillet 2009.

source : Deloitte, http://www.iasplus.com/

Le recours à des modèles pour valoriser certains titres de dettes en juste valeur permet aux banques de se référer ou non à leurs propres spreads.

C'est ainsi que j'interprète la présence dans le rapport des commissaires aux comptes de la Société Générale sur les comptes consolidés au 31 décembre 2007 et au 31 décembre 2008 de la phrase suivante : " La Société a procédé à des estimations destinées à prendre en compte l'incidence de la variation de son risque de crédit propre sur l'évaluation de certains passifs financiers comptabilisés en juste valeur. Nous avons vérifié le caractère approprié des paramètres retenus à cet effet."

La Deutsche Bank, dans son rapport annuel 2008, précise que le principe s'applique à des dettes long terme (long-term debt) et titres de société fiduciaire privilégiée (trust preferred securities). L'impact mesure la différence entre la juste valeur (fair value) et la valeur brute (carrying value). ABN Amro parle de "subordinated liabilities", Barclays de ses propres bons émis (notes issued by Barclays), Royal Bank of Scotland reste très généraliste (debt securities) de même que UBS (financial liabilities), la Société Générale (passifs financiers évalués à la juste valeur) et BNP Paribas (dette évaluée en valeur de marché ou de modèle). HSBC évoque sa dette long-terme et les dérivés de crédit liés.

Impact de 2007 à 2009 du propre risque de crédit des banques sur leur résultat (avant impôt)

Banque

Normes comptables

Devises

2007

2008

Q1 2009

Bank of America

FASB

US$

NI

364

NI

Citi

FASB

US$

888

4 558

2 500

Goldman Sachs

FASB

US$

203

1 127

- 197

JP Morgan

FASB

US$

1 300

2 000

422

Morgan Stanley

FASB

US$

840

5 600

- 1 500

Credit Suisse

FASB

CHF

1 111

4 988

670

ABN Amro

IASB

98

236

NI

Barclays

IASB

£

658

1 663

279

BNP Paribas

IASB

141

734

NI

Deutsche Bank

IASB

60

NI

NI

Royal Bank of Scotland

IASB

£

NI

875

647 ?

Société Générale

IASB

242

441

NI

UBS

IASB

CHF

659

2 032

651

HSBC

IASB

US$

3 055

6 570

139

Données chiffrées en millions de devises.

Sources : publications des sociétés.

NI Non Identifié

L'impact cumulé pour Citi s'élève à près de 8 milliards de dollars, pour Crédit Suisse à près de 7 milliards de franc suisses, pour HSBC à près de 10 milliards de dollars.

Il suffit donc que les spreads de ces banques reviennent à la normalité pour que, toutes choses égales par ailleurs (à niveau de dettes équivalent par exemple), ces banques doivent constater des pertes avant impôt de même montant !

Attention, dans certains cas (Citi, BNP Paribas), une partie, certes apparemment minoritaire, des impacts déclarés relèvent d'autres facteur que les spreads propres des banques, tels que la liquidité générale des marchés (general market liquidity) et des considérations de financement (funding concerns).

Citi s'est même payé le luxe d'un changement de méthode au quatrième trimestre 2008 dans son modèle d'estimation en juste valeur de ses engagements de dérivés de crédit (derivative liabilities).

Arguant que les spreads (risques de crédit) de ses propres CDS (Credit Default Swaps) divergeaient de manière incohérente suite à la faillite de Lehman Brothers, Citi a décidé de ne plus les retenir dans son modèle et de les remplacer par les spreads de Citi directement.

Impact positif sur le résultat avant impôt de ce changement de méthode à fin 2008 ? 2,5 milliards de dollars.

Beaucoup de banques n'ont pas jugé utile de fournir l'impact de leur propres spreads au premier trimestre 2009, notamment Deutsche Bank, qui avait enregistré un gain de 11 milliards d'euros en 2008, rien que ça !

La question de l'homogénéité des modèles utilisés par les banques pour valoriser leurs engagements se pose, quant on constate que le paramètre du risque de crédit propre de la banque peut jouer sur des milliards de dollars ou d'euros.

Encore un exemple démontrant que la complexité croissante des comptes des plus grandes banques ne permet que d'accorder une crédibilité relative aux comptes publiés.

Annexe Commentaires de professionnels sur le principe

1)

Source Industrie Bancaire

Dans un courrier adressé le 4 mai 2007 à l'IASB, l'industrie bancaire (EBF European Banking Federation - Fédération Bancaire de l'Union Européenne ; Groupement Européen des Caisses d'Epargne ; Groupement Européen des Banques Coopératives ; EAPB European Association of Public Banks) commente le papier de l'IASB sur la comptabilisation en juste valeur.

L'industrie bancaire communique ses inquiétudes quant au recours au propre risque de crédit pour valoriser des engagements.

La juste valeur d'un engagement devrait refléter et pour le créancier et pour l'emprunteur le caractère certain de l'obligation, que ce soit dans le temps ou sur le montant, ainsi que la capacité de l'emprunteur à remplir son obligation au créditeur. Si le paramètre de durée n'est pas certain alors la prise en compte du risque de crédit sera moins pertinente et peut s'avérer non significative. De plus, la prise en compte du propre risque de crédit lors de l'émission d'une dette peut être pertinente, mais pas en cas de transfert.

Sachant que les banques européennes ont finalement comptabilisé des gains depuis fin décembre 2007 en raison de la dégradation de leur propre risque de crédit, on peut s'interroger sur les motivations finales des uns et des autres alors qu'autant de scepticisme a été exprimé dès le mois de mai 2007 par l'industrie bancaire européenne.

2)

Source CEBS (Committe of European Banking Supervisors)

Dans une lettre de discussion datée du 16 novembre 2007 adressée à l'IASB et intitulée Preliminary views on Insurance Contracts, le CEBS exprime une opinion défavorable quant au recours pour un assureur aux variations des propres spreads de crédit pour valoriser ses engagements. L'argument d'une information non-pertinente (celle qui consiste à enregistrer des bénéfices alors que sa qualité de crédit se détériore) donnée aux investisseurs est mise en avant.

C'est le Comité de Supervision des Banques Européennes qui le dit !

Ce qui est mauvais pour un assureur ne l'est-il pas pour une banque ?

3)

Source Ernst & Young, cabinet de commissaires aux comptes.

Dans un édition spéciale éditée en novembre 2007 sur la comptabilisation en période de crise de crédit figure un paragraphe intitulé "Fair value of own credit risk" : juste valeur de son propre risque de crédit.

Ernst & Young affirme que selon l'IASB la norme IAS 39 est compatible avec la norme SFAS 157 sur le fait de refléter son propre risque de crédit dans ses engagements comptabilisés en juste valeur, aboutissant à un bénéfice si le spread augmente. Selon le cabinet, ce principe est controversé et pose de nombreuses difficultés pratiques, comme dans les cas où les engagements ne sont échangés que sur des marchés spécifiques, où les contreparties sont très sensibles aux spreads de crédit.

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