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Investigation Financière Economique et Boursière
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16 décembre 2011

Rapport parlementaire sur les emprunts toxiques des acteurs publics locaux Investigationfin fait parler des chiffres et conteste

Pour les sources, merci de se référer à la fin de l'article.

Le rapport parlementaire de décembre 2011 sur les emprunts toxiques des acteurs publics locaux a comparé son propre recensement des encours à risque des collectivités territoriales, 13,648 milliards d'euros avec celui fourni par la Cour des Comptes dans son rapport thématique de juillet 2011, de 10 à 12 milliards d'euros.

L'estimation de la Cour des comptes serait dépassée.

Nous allons voir ce que nous allons voir ...

I. Une rigueur intellectuelle douteuse sur des chiffres additionnés se rapportant à des dates différentes et qui pour l'un peut concerner des organismes privés !

L'encours de dette totale des acteurs publics locaux est annoncé à 276,8 milliards d'euros, sans précision de date, se détaillant ainsi :

- 160,6 milliards d'euros pour les APUL (administrations publiques locales communes, départements, régions, EPCI et syndicats, autres), sans précision de date, mais qui correspond au 31 décembre 2010 d'après les chiffres publiés par l'Insee fin mars 2011.

- 89,5 milliards d'euros pour le secteur du logement social, sans précision de date, sans précision de source non plus !

- 24 milliards d'euros pour les établissements de santé, sans précision de date, sans précision de source non plus !

Bizarrement le chiffre de 89,5 milliards d'euros est celui publié dans le rapport de la Cour des comptes, en page 16 : "LUnion sociale pour lhabitat évaluait le montant total des dettes financières du secteur, tous organismes publics et privés confondus, à 89,5 Md, à la fin de lexercice 2008."

Donc il s'agit d'une estimation se rapportant à fin 2008, et qui ne concerne pas seulement le secteur public !

Le chiffre de 24 milliards d'euros pour les établissements de santé est également cité à partir du rapport de la Cour des Comptes et concerne fin 2010.

Le rapport parlementaire additionne donc des chiffres qui non seulement concernent des périodes différentes, mais qui pour l'un ne concerne des organismes privés !

Qu'il ait été difficile de faire autrement, c'est une chose. Mais que le rapport parlementaire ne s'embarrasse pas de préciser dates et périmètre dans les chiffres, c'est plus embêtant en terme de rigueur !

Je tiens à préciser que la dette des hôpitaux publics inclue dans celle des établissements de santé est comptabilisée dans le secteur des ASSO (administrations de sécurité sociale) en comptabilité publique.

Quant à la problématique du logement social, dont les OPH Office Public de l'Habitat font partie, j'ai pu mesurer dans un article passé combien la comptabilisation dans la dette publique au sens de Maastricht était un sujet compliqué.

Dette publique de la France. Problématique de comptabilisation ou non de la dette des organismes HLM 16 septembre 2010 http://investigationfin.canalblog.com/archives/2010/09/16/19080652.html

II. Constat d'incohérence sur la définition précise des encours "à risque" dans le rapport parlementaire

Les chiffres de l'encours des prêts structurés évalués par le Rapporteur de la commission d'enquête sont fournis pour le second semestre 2011, eux :

- acteurs public locaux 32,125 milliards d'euros, dont 18,828 à risque

- dont collectivités territoriales 23,323 milliards d'euros, dont 13,648 à risque dont 5,968 hors charte

C'est quoi le "à risque" ? En page 37, la cotation Gissler est prise comme référence :

"Ont ainsi été tenus pour risqués les emprunts structurés dont l’indice sous-jacent était coté 5 (écarts d’indices hors zone euro) ou la structure cotée 5 (multiplicateur de 3 à 5 sans cap), ainsi que l’ensemble de ceux qui ont été interdits par la charte (dits hors charte)."

"En complément, sont considérés comme à risque fort les emprunts classés hors charte (HC) ou en bas de la charte (3E, 4E et 5E)."

Le tableau en page 40 fournit le détail des cotations "à risque" : 1E 2E 3E 4E 5E 5B 5C 5D plus le HC (Hors charte) dont le total s'élève à 13 648 millions d'euros.

extrait page 40

Rapport parlementaire page 40

Bizarrement, le tableau de la page 41 donne une description différente (il manque le 1E !) des encours "à risque" au 28 octobre 2011 (sauf Dexia 31 août) : 5B 5C 5D 2E 3E 4E 5E HC, les encours très risqués étant eux 3E 4E 5E HC dont le total pour les collectivités territoriales s'élève bien à 13 648 millions d'euros.

extrait page 41

Rapport parlementaire page 41

Incohérent ! Simple erreur matérielle ?

III. La comparaison avec les 10 à 12 milliards d'euros de la Cour des Comptes est FAUSSE !

En page 67 de son rapport, la Cour des Comptes publie un camembert réalisé par Finance Active montrant la répartition selon la cotation Gissler de 70 milliards d'euros d'encours :

extrait page 67

Cour des Comptes page 67

Donc les produits structurés représentent 19,9 % du total (soit 13,93 MdE sur le total de 70), ceux à risque marqué (1D 5E) 5,7 % (soit 3,99 MdE) et ceux hors charte (6 ou F) 5,8 % soit 4,06 MdE.

Comment la Cour des comptes a donc pu déterminer la fourchette de 30 à 35 milliards d'euros d'encours d'emprunts structurés ?

D'abord, la Cour des comptes a publié deux chiffres de la dette publique locale à fin 2010 :

- 160,6 milliards d'euros qui correspond au chiffre Insee des APUL à fin 2010 ;

- 163,3 milliards d'euros, calcul Cour des Comptes d'après les données des comptes de gestion.

L'écart est dû selon la Cour à un périmètre légèrement différent.

Extrapolons ensuite les 19,9 % de produits structurés qui concernent 70 MdE aux 160,6 et 163,3 MdE : on obtient 0,199 x 160,6 = 31,95 et 0,199 x 163,3 = 32,5.

On retombe bien sur l'intérieur de la fourchette de 30 à 35 milliards d'euros.

Sauf que la fourchette de 10 à 12 milliards d'euros des emprunts structurés "présentant un risque potentiellement élevé" (collectivités territoriales) représente respectivement 33,3 % et 34,3 % de la fourchette de 30 à 35 milliards d'euros d'emprunts structurés .. à peu près la proportion des produits hors charte seulement, de 29,1 % (5,8 % / 19,9 %) !

Donc les 10 à 12 milliards d'euros de la Cour des Comptes sont liés à des produits structurés hors charte, alors que les 13,6 milliards d'euros du rapport parlementaire sont liés non seulement à des produits structurés hors charte, mais également à des cotations 5 ou E !

Si on ajoute les 5,7 % des prêts structurés à risque marqué (1D 5E, certes il faudrait en ajouter un peu moins, enlever le 1D par exemple, pour faire coïncider), la remarque de la commission d'enquête est très probablement inversée !

Contrairement à ce qu'affirme le rapport parlementaire, l'estimation avancée par la Cour des comptes de 10 à 12 milliards d'euros n'est pas dépassée !

IV Une limite d'honnêteté intellectuelle répandue. Compter les moins sans compter les plus

Si le sujet des emprunts toxiques des collectivités territoriales est sur la table depuis 2008, c'est que cela risque de coûter cher à ces dernières à l'avenir.

Surcoût estimé dans Libération à 3,9 milliards d'euros pour les 25 milliards d'euros d'encours Dexia estimés. Le rapport parlementaire rappelle que la méthodologie de calcul du surcoût a été contestée.

En page 39 : "Selon les estimations de la commission denquête, le surcoût lié aux emprunts structurés à risque sétablirait à 730 millions deuros par an, pour lensemble des acteurs publics locaux, en cas de forte dégradation des paramètres de marché. Ce coût correspondrait à une augmentation denviron 10 % du volume global des intérêts financiers supportés chaque année par les acteurs publics locaux, aussi longtemps que dure la mauvaise conjoncture."

En page 117 : "Ainsi, la Caisse des dépôts estime-t-elle que le coût de la transformation du quart le plus toxique du portefeuille de prêts actuellement détenus par Dexia en des emprunts à taux fixe, au cours actuel du marché, nécessiterait le partage dune soulte de lordre de 1 milliard deuros (1)"

(1) Audition par la commission denquête de M. Augustin de Romanet, 29 novembre 2011.

Mais la lecture en page 438 de l'audition d'Augustin de Romanet permet de préciser certaines choses : "Selon nos calculs, un contrat de stabilisation des intérêts transformant les 25 % dencours les plus toxiques en taux fixe du marché coûterait au moins 1 milliard deuros. Je vous livre ce chiffre au titre de notre assistance technique. Mais désigner les collectivités bénéficiaires, définir le volume de prêts toxiques à stabiliser et le taux fixe raisonnable auquel ils le seraient revient à des autorités politiques dont la légitimité excède de loin la nôtre."

Le Rapporteur se fait reprendre car il croit que son calcul de 750 millions à 1 milliard par an est comparable, alors que le milliard de Romanet n'est pas annuel, mais one-shot !

"M. Augustin de Romanet. Le coût que j’ai mentionné pour le quart le plus toxique n’est pas annuel : il est unique, non récurrent. L’encours toxique est aujourd’hui estimé à 15 à 18 milliards ; la décote de ces produits sur le marché est de 25 à 40 % ; pour en transformer la totalité en produits « normaux », il faudrait débourser au moins 4 milliards d’euros."

Sauf que souvent, le remplacement d'un prêt "non toxique" par un prêt "toxique" a pu permettre, sur une période, d'alléger la charge d'intérêts de l'acteur public local, la contrepartie étant un risque accru sur la durée. Risque que la crise financière a révélé à grande échelle.

La fameuse période dit de "bonification au cours de laquelle l'emprunteur bénéficie d'un taux inférieur au marché" selon la Cour des comptes, en page 68.

Mais pourquoi ni Libération, ni la Cour des comptes, ni la commission d'enquête parlementaire n'ont pas tenté une estimation, pour les prêts renégociés et maintenant inventoriés comme des prêts structurés, des intérêts qui ont pu être moins versés ?

Exemples de bonification dans la rapport de la Cour des comptes :

- page 29, département de l'Ain, prêt réaménagé fin 2007, économie prétendue de 1,5 million d'euro de frais financiers

- page 173, syndicat départemental d'incendie et de secours (SDIS), prêt renégocié en 2006 puis 2007, 120 000 euros économisés par an jusqu'en 2013.

A noter enfin que dans sa réponse, le Président de Fitch Ratings souligne qu'un rapport de juillet 2008 alertait sur la problématique de la dette structurée des collectivités, ce que j'ai vérifié.

Sources et bibliographie :

1) RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux, 6 décembre 2011 http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-enq/r4030.pdf

2) Rapport de la Cour des Comptes LA GESTION DE LA DETTE PUBLIQUE LOCALE Rapport public thématique, juillet 2011 www.ccomptes.fr%2Ffr%2FCC%2Fdocuments%2FRPT%2FRapport_public_thematique_gestion_dette_publique_locale_130711.pdf

3) Fitch Ratings, juillet 2008 Collectivités locales France Rapport spécial

La dette structurée des collectivités locales : gestion active ou spéculation ?

http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=%22la%20dette%20structur%C3%A9e%20des%20collectivit%C3%A9s%20locales%20%3A%20gestion%20active%20ou%20sp%C3%A9culation%22&source=web&cd=2&sqi=2&ved=0CCUQFjAB&url=http%3A%2F%2Fwww.fitchratings.fr%2Fgetdocument.aspx%3Fattid%3D496&ei=4krrTs6CMMfd8QOgzdiYDw&usg=AFQjCNHJDIEOnZDkixJpp7E1yDEuPFQjsw&cad=rja

4) Le Monde 15 décembre 2011 Une bombe à retardement dans les finances publiques

http://www.lemonde.fr/crise-financiere/article/2011/12/15/une-bombe-a-retardement-dans-les-finances-publiques_1619243_1581613.html

5) Dossier Libération et Cordons de la Bourse par Nicolas Cori

http://cordonsbourse.blogs.liberation.fr/cori/emprunts-toxiques/

http://cordonsbourse.blogs.liberation.fr/cori/2011/09/comment-calculer-la-toxicit%C3%A9-des-emprunts-des-collectivit%C3%A9s-.html

http://www.liberation.fr/politiques/01012361242-emprunts-toxiques-dexia-juge-inacceptable-l-article-de-liberation

http://www.liberation.fr/politiques/01012361119-collectivites-dexia-s-est-paye-leur-dette

http://www.liberation.fr/politiques/01012361124-diagnostic-d-une-intoxication-generalisee

http://www.liberation.fr/politiques/01012361125-elles-ont-ete-roulees-dans-la-farine

http://www.liberation.fr/politiques/01012361126-des-villes-prises-a-la-gorge

http://www.liberation.fr/economie/01012362437-dexia-s-explique

6) Dette publique de la France. Problématique de comptabilisation ou non de la dette des organismes HLM 16 septembre 2010 http://investigationfin.canalblog.com/archives/2010/09/16/19080652.html

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