Le Monde publie un article sur le trading à BP. Critiques. Le trading est-il correctement reflété dans les comptes 2009 de BP ?

Le 30 juin 2010, Le Monde a publié un article rédigé par Marc Roche, correspondant à Londres, intitulé : La très rentable activité de trading de BP victime collatérale de la marée noire.

http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/06/30/la-tres-rentable-activite-de-trading-de-bp-victime-collaterale-de-la-maree-noire_1381028_3234.html

Dans cet article, le journaliste écrit que lors du dernier exercice (2009 par conséquent), le trading énergétique a représenté un bon cinquième des profits de la multinationale.

J'ai voulu vérifier ce que le rapport annuel 2009 de British Petroleum, qui inclue les comptes financiers de la firme pétrolière, contenait sur le sujet.

Difficile de vérifier la proportion du cinquième.

En page 31 du rapport annuel 2009 de BP figurent des statistiques sur les volumes traités par jour de barils de pétrole L'activité trading/supply sales présente une part de 27 % en 2008 et 30 % en 2009. Mais ce sont les volumes physiques, pas les profits.

Pour les profits, l'information disponible par segment d'activité figure en page 127.

Pour un profit avant intérêt et impôt en 2009 de 26,4 milliards de dollars (35,2 en 2008), l'activité Refining and Marketing (qui inclue la partie trading), a représenté 17 % en 2009 (4,5 milliards de dollars), contre 93 % pour l'activité Exploration and Production (24,5 milliards de dollars). Les deux autres segments sont déficitaires.

D'après le rapport en page 10 : Refinig and Marketing activies include the supply and trading, refining, manufacturing, marketing and transportation of crudeoil, petroleum and petrochemicals products and related services.

En clair, le trading qui n'est qu'une petite partie dans l'activité principale Refining and Marketing, serait censé représenter un bon cinquième des profits en 2009 d'après Le Monde alors que l'activité principale a représenté 17 % en 2009 des profits avant intérêts et impôts ?

Il est peu probable que les activité de refining (raffinerie) manufacturing marketing et transport soient déficitaires pour permettre au trading de représenter un bon cinquième des profits.

Dans la suite de l'article du Monde, on lit que BP a écopé de lourdes amendes pour avoir tenté de manipuler les marchés, citant du laxisme dans les contrôles internes.

Je me suis dit, cela doit être assez facile de trouver trace de telles amendes.

Pas si facile que cela. Déjà, dans la partie litiges du rapport annuel 2009 je n'avais rien trouvé d'intéressant sur le sujet, en première lecture. Je répète, en première lecture. Je ne pense pas que BP puisse s'amuser à ne pas en faire référence dans son propre rapport annuel.

On peut aussi déjà remarquer que le rédacteur de l'article ne prend pas la peine de préciser les chiffres, les dates. Selon moi c'est déjà lacunaire.

En recherchant par google, je suis tombé sur une décision du 25 octobre 2007 du Département de la Justice des Etats-Unis, condamnant BP à payer 370 millions de dollars pour des faits remontant à 2005 et avant : explosion d'une raffinerie au Texas, fuites dans une conduite en Alaska, et tentative de manipulation de marchés (303 millions de dollars).

Quatre employés de la filiale américaine de BP ont été accusés de manipuler début 2004 le cours du propane TET et de vendre ce produit à un prix artificiellement surévalué. Les 4 traders ont reconnu les faits. Le FBI ayant participé aux investigations, on imagine facilement qu'on rigole un peu moins là-bas sur le sujet une fois qu'il est lancé.

Il ne reste plus qu'à recouper avec les rapports annuels de BP. Le rapport annuel 2009 de BP évoque bien le sujet, en page 99, dans la partie Legal proceedings. D'autres plaintes privées liées à la même affaire sont en cours. Rien de nouveau dans les rapports annuels de 2007 et 2008.

En conclusion, le journaliste du Monde met en avant une part élevée de trading dans les profits de BP, mais cela ne se voit pas vraiment dans les comptes de BP. Il met également en avant de lourdes amendes écopées par BP qui datent de 2007 pour des faits de 2004. Je comprends mieux maintenant pourquoi le journaliste ne s'est pas donné la peine de dater les événements dont il se sert pour illustrer son article publié fin juin 2010 !