Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Investigation Financière Economique et Boursière
Investigation Financière Economique et Boursière
Publicité
Derniers commentaires
Archives
22 octobre 2009

Crédit Suisse : lissage des charges issues du resserrement des spreads de crédit sur la dette de CS. Merci le Hors-Bilan !

Au troisième trimestre 2009, les pertes présentes de revalorisation de la dette de Crédit Suisse provoquées par la diminution des spreads de crédit sont compensées presque intégralement par des gains comptabilisés dans le passé issus de la diminution de la dette de CS provoquée par la dégradation des spreads de crédit.

Une transaction hors-bilan permet en effet à Crédit Suisse de compenser au troisième trimestre 2009 les pertes liées au resserrement des spreads sur sa dette pour 553 millions de francs suisses avant impôt.

Crédit Suisse a annoncé le 22 octobre 2009 un bénéfice meilleur qu'attendu à 2,4 milliards de francs suisses au troisième trimestre 2009.

De nombreux articles semblent commenter de manière bienveillante de tels résultats, en raison notamment de l'afflux net de nouveaux capitaux pour 16,7 milliards de francs suisses à fin septembre 2009.

Le cours de l'action de Crédit Suisse a chuté le jour de l'annonce de ses résultats, à contre-courant des commentaires issus d'une rapide revue de presse, comme l'illustre l'exemple suivant :

http://www.agefi.fr/articles/Credit-Suisse-recule-Bourse-bon-trimestre-1112362.html

Credit Suisse recule en Bourse malgré un bon trimestre

Sauf que scrutant les histoires de spreads et leurs impacts sur les dettes des banques depuis un petit bout de temps, j'ai rapidement observé que les données chiffrées dans le communiqué de presse et les slides de présentation étaient étonnamment faibles.

Les impacts avant impôts des périodes précédentes étaient, selon mes calculs, les suivants : 2007 (+ 1,1 MdCHF), 2008 (+5,0 MdCHF), premier trimestre 2009 (+0,7 MdCHF), deuxième trimestre 2009 (-1,1 MdCHF).

Comme je l'avais anticipé (voir mon article du 29 juillet 2009), je m'attendais à un impact conséquent au troisième trimestre, conformément à ce qui s'est passé dans les principales banques américaines et l'impact de leur propre spread sur la valorisation de leurs dettes.

Il faut se plonger dans la page 12 du rapport financier de Crédit Suisse de 116 pages du troisième trimestre 2009 pour prendre connaissance d'une information bien surprenante.

La banque a effectué au deuxième trimestre 2009 (et oui dès le deuxième trimestre en fait !) une transaction secrète (pour le communiqué de presse et les slides de présentation du troisième trimestre 2009) au nom de code FVOD avec une entité secrète (pour le communiqué de presse et les slides de présentation du troisième trimestre 2009) au nom de code Alpine Sécuritization Corp.

Dans quel but ? Réduire la volatilité liée aux spreads de crédit sur la dette de Crédit Suisse.

Alpine est un conduit administré par Crédit Suisse qui se présente sous la forme, en anglais, d'un "multi-seller commercial paper", multi-seller pour signifier que c'est Crédit Suisse qui en est à l'origine tant dans sa création que sa construction, commercial paper pour indiquer qu'il s'agit d'un titre de créance négociable admis sur la marché monétaire. Le conduit est même noté triple AAA par DBRS http://www.dbrs.com/research/230296/alpine-securitization-corp/dbrs-confirms-ratings-of-alpine-securitization-corp.html

La perte avant impôt qui aurait dû être comptabilisée au troisième trimestre 2009 au titre de la revalorisation de la dette de Crédit Suisse en fonction de l'évolution des spreads de crédit, d'un montant de 646 millions de francs suisses, a été compensée par des gains de 553 millions de francs suisses grâce à Alpine.

On comprend donc tout l'enjeu pour Crédit Suisse : présenter des résultats qui ne sont pas diminués par la revalorisation de sa dette dans un contexte de normalisation des conditions de marché.

Peu de temps après avoir publié cet article, je me suis rendu compte que la transaction FVOD avait également eu un impact sur les comptes du deuxième trimestre 2009 : 3 744 millions de francs suisses de pertes de revalorisation de la dette de Crédit Suisse ont été compensés par 2 690 millions de francs suisses de la transaction FVOD, ce qui donne bien l'impact négatif de 1,1 milliards de francs suisses au deuxième trimestre 2009. Il s'agit d'impact avant impôt. Sans Alpine (-2,7 milliards de francs suisses avant impôt), le bénéfice net de 1,6 milliards de francs suisses du deuxième trimestre aurait sans doute été une perte.

Cela m'avait échappé parce que l'impact négatif des spreads de crédit sur la dette de CS était quand même supérieur au milliard de franc suisses, même si dans mon article du 29 juillet 2009 j'écrivais que je ne comprenais pas le faible niveau de pertes sur ce sujet. Je comprends mieux maintenant !

Le rapport de Crédit Suisse indique que les gains cumulés à la fin du 1er trimestre 2009 (6,8 milliards de francs suisses selon mes calculs) seront reversés selon une base d'amortissement, et la différence entre cet amortissement et l'impact trimestriel sur la dette de Crédit Suisse viendra contribuer aux résultats de Crédit Suisse.

Alors que le communiqué de presse de la présentation des résultats du deuxième trimestre reste muet sur le sujet, le slide 7 de la présentation du deuxième trimestre 2009 fournit davantage d'informations. Le slide confirme le total à amortir, 6,9 milliards de francs suisses, et surtout précise que la charge trimestrielle représente environ 300 millions de francs suisses. Soit 5,8 années de lissage.

Pour résumer, Crédit Suisse a enregistré le pactole comptable au moment le plus fort de la crise (2008) et lisse ses résultats sur presque 6 années pour rendre moins douloureuse le retour à la normale.

Si le principe était parfait dans sa réalisation, alors l'impact trimestriel des spreads de crédit devrait être une charge de 300 millions de francs suisses, ce qui n'est pas le cas puisque Crédit Suisse enregistre -1,1 milliards de francs suisses de charges avant impôts au deuxième trimestre 2009 et -0,1 milliards de francs suisses au troisième trimestre 2009.

La comparaison entre les comptes du deuxième trimestre 2009 et du troisième trimestre 2009 ne peut être pertinente que si on tient compte de l'impact de la transaction FVOD : le troisième trimestre 2009 bénéficie d'un impact négatif moindre (1 milliard de franc suisse) sur le résultat avant impôt lié aux spreads de crédit que le deuxième trimestre 2009 si le lissage avait été parfait, et sans transaction FVOD, le résultat avant impôt aurait dû être inférieur de 2,7 milliards de francs suisses au Q2 2009 et de 0,6 milliards de francs suisses au Q3 2009, soit 1,9 milliards de francs suisses de meilleure présentation du deuxième trimestre par rapport au troisième trimestre.

Ce qui n'est pas la même musique.

Les résultats de Crédit Suisse sont-il donc sincères ?

La finance est pleine de ressources !

De tels conduits sont monnaie courante dans les comptes des grandes banques américaines. Crédit Suisse applique les normes comptables américaines du FASB.

On comprend par cet exemple qu'après avoir parlé du Hors-Bilan une nouvelle appellation plus explicite puisse faire son chemin : le Hors-Compte de Résultat.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité