Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Investigation Financière Economique et Boursière
Investigation Financière Economique et Boursière
Publicité
Derniers commentaires
Archives
29 avril 2021

10. Autorité de la concurrence. Problématique dans la définition des règles. Influence déterminante de celui qui décide des prix

10. Autorité de la concurrence. Problématique dans la définition des règles pour déterminer si celui qui décide des prix a une influence déterminante

L'article fait partie des révélations des Groupe Casino PAPERS, une série de 14 articles à découvrir.
http://investigationfin.canalblog.com/archives/2021/04/28/38945098.html

En juillet 2020, l'Autorité de la concurrence a publié ses lignes directrices relatives au contrôle des concentrations.

https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/Lignes_directrices_concentrations_2020.pdf

En page 16, « Par ailleurs, le contrôle ne suppose pas que l’entreprise contrôlante ait le pouvoir de déterminer la gestion courante de l’entreprise contrôlée. Ce qui importe, c’est son pouvoir de contrôle sur les décisions stratégiques de l’entreprise contrôlée. »

Plus loin, dans la même page, « Une entreprise est contrôlée par une autre entreprise si l’entreprise contrôlante peut exercer une influence déterminante sur l’activité de l’entreprise contrôlée. »

« L’existence d’une influence déterminante s’apprécie au regard du pouvoir dont dispose une entreprise sur la prise des décisions stratégiques d’une autre entreprise, lesquelles concernent :
– les décisions relatives au plan stratégique ;
– les décisions relatives aux investissements en-deçà d’un certain montant9 ;
– les décisions relatives au budget ;
– les décisions relatives à la nomination et à la révocation des principaux dirigeants.  »

Fixer les prix des produits vendus relève-t-il de la gestion courante ou de décisions stratégiques ?

Déterminer un budget suppose bien de fixer les prix unitaires et les volumes de produits vendus.

En page 17, « Exceptionnellement, une entreprise peut disposer d’une influence déterminante sans aucune participation au capital.  »

L'Autorité de la concurrence cite un exemple dans lequel il existait des accords permettant à la société ne détenant aucune participation d'influencer la politique commerciale de la marque.

La politique commerciale est à lier à la fixation des prix des produits vendus.

En page 18, « L’Autorité tient également compte, par exemple :
...
de la possibilité de nommer certains responsables au sein des organes dirigeants de l’entreprise ;
... »

En page 23, « lorsque deux ou plusieurs entreprises ont la possibilité d’exercer une influence déterminante sur une autre entreprise, le contrôle est conjoint. Chacune des entreprises contrôlantes doit avoir la possibilité de bloquer les décisions stratégiques de l’entreprise contrôlée et les actionnaires sont donc appelés à collaborer et à s’entendre sur la stratégie de l’entreprise contrôlée. »

D'après les règles théoriques, la mainmise sur la politique commerciale semble permettre d'exercer une influence déterminante. Mais que se passe-t-il dans le cas où les décisions stratégiques listées par une entreprise n'incluent pas la politique commerciale ?

Lorsque le Groupe Casino et le franchisé Zouari avaient décidé de contrôler conjointement près de 200 magasins Franprix et Leader Price fin 2015 et mi-2016, les opérations successives avaient été notifiées à l'Autorité de la concurrence, qui les avaient autorisées :

Décision n° 15-DCC-168 du 11 décembre 2015 relative à la prise de contrôle conjoint par la famille Zouari aux côtés du groupe Casino de 72 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire.
Term sheet signé le 26 octobre 2015. Dossier de notification adressé le 9 novembre 2015.
https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/commitments//15DCC168decisionversionpublication.pdf

Décision n° 16-DCC-73 du 20 mai 2016 relative à la prise de contrôle conjoint par M. et Mme Zouari aux côtés du groupe Casino de 119 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire.
Term sheet en date du 29 mars 2016. Dossier de notification adressé le 13 avril 2016.
https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/commitments//16DCC73VersionPublication.pdf

Or, dès 2018, de nombreuses sociétés avaient été rachetées par le Groupe CASINO.

L'Autorité de la concurrence avait publié des décisions de prise de contrôle exclusif par le Groupe Casino de tels magasins, sans citer l'identité du franchisé :

Décision n° 18-DCC-48 du 6 avril 2018 relative à la prise de contrôle exclusif par la société Franprix Leader Price Holding SAS (groupe Casino) de 46 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire.
Lettre d'intention le 9 février 2018. Dossier de notification adressé le 6 mars 2018.
https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/commitments//18DCC48versionpublication.pdf

Décision n° 18-DCC-100 du 20 juin 2018 relative à la prise de contrôle exclusif par la société Franprix Leader Price Holding (groupe Casino) de 11 fonds de commerce de détail à dominante alimentaire exploités sous l’enseigne Leader Price.
Protocole d'accord de cession du 20 avril 2018. Dossier de notification du 18 mai 2018.
https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/commitments//18DCC100_versionpubliee.pdf

j) Décision n° 18-DCC-138 du 20 août 2018 relative à la prise de contrôle exclusif par la société Franprix Leader Price Holding (groupe Casino) de 27 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire.
Projet de cession le 18 juin 2018. Dossier de notification adressé le 1er août 2018.
https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/commitments//18DCC138versionpublique.pdf

La lecture des actes de cession de plusieurs des sociétés rachetées par le Groupe CASINO à des sociétés contrôlées conjointement par la franchisé ZOUARI permet de penser que rien n'a changé dans la mainmise de la politique commerciale par le franchisé ZOUARI.

Exemple avec le magasin Leader Price à BIGANOS (33) :

La société BIGADIS HARD DISCOUNT avait été contrôlée conjointement par la famille ZOUARI et par le Groupe CASINO à partir du 30 juin 2016.

La société était détenue par HOLDING SUD-OUEST, elle-même filiale de HOLDING MAG ILE DE FRANCE elle même détenue par CAPDIS (HGZ holding de la famille ZOUARI) à 51 % et par FLPH (Groupe CASINO) à 49 %.

Le 21 juin 2018, RLPG Développement, filiale de FLPH, rachète BIGADIS HARD DISCOUNT pour 1 055 493 euros.

Le 12 juillet 2018, le nouveau propriétaire décide, dans un procès-verbal, une convention de prestation de services avec CAPDIS, société qui par exemple a facturé des prestations de management à HOLDING MAG ILE DE FRANCE de 2016 à 2018. Deux co-gérants sont nommés, le premier représentant le Groupe Casino, basé à Vitry sur Seine (94), le deuxième représentant la famille Zouari, basé à Sèvres (92).

copie écran décisions associé unique LP BIGADIS 12 juillet 2018

10



Les statuts mis à jour le 12 juillet 2018 indiquent que le co-gérant n°2 (donc celui basé à Sèvres) a des pouvoirs limités à la gestion opérationnelle de la société, dont la gestion commerciale de la société. Il ne peut prendre certaines décisions listées et appelées « Décisions stratégiques ».

copie écran statuts 12 juillet 2018

10



Et c'est justement le co-gérant n°2 basé à Sèvres (92) qui est autorisé à signer la convention de prestation de services avec CAPDIS, société basée à Sèvres (92).

Or gérer commercialement un magasin, c'est décider des prix de vente. La politique commerciale est pourtant en dehors des « Décisions stratégiques » de LEADER PRICE BIGADIS.

Qu'est-ce qui a changé pour ce magasin du point de vue de la gestion commerciale puisque c'est toujours à Sèvres, au siège de la famille ZOUARI que les décisions de gestion commerciale sont prises ?

Pourtant, l'Autorité de la concurrence a considéré que tous ces magasins étaient, suite aux cessions de parts sociales, contrôlés exclusivement par le Groupe Casino alors que c'est le franchisé Zouari qui semble avoir continuer à tirer les ficelles sur les prix.

Les règles de l'Autorité de la concurrence sont-elles donc suffisantes pour éviter que l'entité qui a la mains sur les prix de vente d'une entreprise ne soit pourtant pas considérée comme ayant une influence déterminante sur celle-ci ?

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité