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Investigation Financière Economique et Boursière
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15 octobre 2014

L'embrouillamini de la Cour des Comptes sur les finances publiques locales ?

Le récent rapport de la Cour des comptes publié en octobre 2014 sur les finances publiques locales laisse un arrière goût d'inachevé.

https://www.ccomptes.fr/content/download/74900/1929671/version/2/file/20141014_rapport_finances_publiques_locales.pdf

Je ne livre qu'une partie seulement des griefs adressés.

Plan de l'article

I. Absence de rapprochement entre les données Insee et DGFiP
II. Morceaux choisis InvestigationFin (pas forcément liés au goût d'inachevé)
    1) Du cycle électoral
    2) De la compensation de la baisse des dotations de l'Etat en 2014
    3) De la difficulté à analyser l'évolution de la masse salariale des collectivités territoriales
    4) La hausse des dépenses de personnel des intercommunalités ... et des communes
    5) Le sujet du financement des transports ferroviaires
    6) La farce programmée des économies du projet de loi relatif à la délimitation des régions ?
    7) Une erreur de chiffre signalée par le Président du Conseil Régional de Basse-Normandie     mais non prise en considération ?
III. Un rapport très contesté par les administrations et collectivités concernées

I. Absence de rapprochement entre les données Insee et DGFiP

Page 16, le déficit des APUL est passé de 3,7 MdE en 2012 à 9,2 MdE en 2013. Ce sont bien les derniers chiffres publiés par l'Insee dans son fichier t_3205.xls Dépenses et recettes des administrations publies locales.

Dans la foulée, la Cour des comptes fait état des limitations pour l'analyse des finances locales, en partie liée à l'imparfaite qualité et fiabilité des données comptables. Les sources utilisées sont les comptes de gestion des comptables publics centralisés par la DGFiP.

Au début du chapitre I traitant de l'évolution des finances locales en 2013, en se référant aux données DGFiP, "les dépenses des collectivités locales représentaient 217,8 Md€ en 2013, dont 162,6 Md€ en fonctionnement et 55,2 Md€ en investissement."

Le problème, c'est que les données Insee sont tout autres : 252 milliards d'euros, dont 128,6 au titre de la ligne dépenses de fonctionnement.

La Cour des Comptes aurait du travailler sur le sujet du rapprochement entre les données Insee et DGFiP, puisque, rappelons-le, le point de départ du rapport est le déficit des APUL 2013 à 9,2 MdE.

Puis la Cour des comptes cite le chiffre de 211,5 milliards d'euros de recettes des collectivités locales en 2013.

Recettes (211,5)- Dépenses (217,8) = - 6,3 milliards d'euros ! données DGFiP

Le point de départ est le déficit public des APUL en 2013 de 9,2 MdE sauf que la Cour des Comptes effectue des analyses sur un chiffre différent, 6,3 milliards d'euros !

Embêtant !

II. Morceaux choisis InvestigationFin

1) Du cycle électoral

Pour ceux qui ont lu récemment :
Vous cautionnez le fait de dépenser plus pour gagner des électeurs ? Rassurez-vous, le gouvernement l'a officialisé. En intégrant le cycle électoral dans la trajectoire spontanée des dépenses publiques des collectivités locales
http://investigationfin.canalblog.com/archives/2014/10/07/30724118.html

Page 29 du rapport :

"Le cycle électoral correspond au temps nécessaire aux collectivités pour lancer des projets d’investissement et les mener à bien, au cours d’un mandat."

Ce qui sous-entend des durées de projets d'investissement inférieurs à 5 années ! Comme si par exemple le besoin de construction d'une école devait attendre que l'élection se fasse !

Page 34 du rapport :

"Ces dernières ont augmenté moins vite qu’au cours des deux années précédentes, suggérant ainsi que les EPCI présentent une moins grande sensibilité que les communes au cycle électoral"

Page 71 du rapport :
"2014, première année de mandat, devrait correspondre à une phase de préparation du programme d’investissement de la mandature et donc de ralentissement des dépenses."

2) De la compensation de la baisse des dotations de l'Etat en 2014

Le projet de loi de finances 2015 a tenté de détailler les 50 milliards d'économies sur 2015 2017 (relativement au tendanciel) sur les dépenses des administrations publiques, dont 3,7 ME de baisse des dotations budgétaires versées par l'Etat aux collectivités territoriales en 2015.

Après 1,5 MdE en 2014.

En page 53, la Cour des comptes reconnaît que l'enveloppe "normée" a effectivement baissé de 1,5 MdE à périmètre constant, mais "les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales, prévus par la loi de finances pour 2014, ont globalement augmenté de 319 M€".

"Par ailleurs, la baisse des dotations est plus que compensée par l’évolution de la fiscalité transférée qui, hors formation professionnelle, augmente de 1,54 Md€ en 2014, dont 827 M€40 de ressources nouvelles octroyées aux départements sous la forme d’un transfert de frais d’assiette et de recouvrement de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Cette mesure était destinée à financer la part du plan de lutte contre la pauvreté incombant aux départements, en particulier la revalorisation exceptionnelle du revenu de solidarité active (RSA). En conséquence, les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales sont relevés de 440 M€."

En page 55, la Cour des comptes relativise par conséquent la contribution en 2014 des collectivités territoriales à l'effort de redressement des comptes publics.

Les difficultés commenceront véritablement en 2015 pour les collectivités territoriales !

Comme l'illustre cet exemple venant du Président du Conseil Régional d'Ile de France, page 328 :

"Il convient d'observer, au demeurant, que le récent transfert de compétence en matière de maintenance informatique opéré par la loi de juillet 2013 exclut les transferts d'emplois correspondants et va induire potentiellement un nouveau besoin d'agents dans ces établissements -pour assurer la maintenance de près de 220 000 ordinateurs et périphériques."

D'autres chiffres dans la réponse commune page 276 des PRÉSIDENTS DE L’ASSOCIATION DES COMMUNAUTES URBAINES DE FRANCE (ACUF) ET DE L’ASSOCIATION DES MAIRES DES GRANDES VILLES DE FRANCE (AMGVF) :

"Sur la base de la loi de finances pour 2014, alors que l’économie nette pour le budget de l’État s’est élevée à 670 M€ (1 500 M€ - 830 M€ de mesures compensatoires), l’effort net exigé du bloc communal a atteint 840 M€."

3) De la difficulté à analyser l'évolution de la masse salariale des collectivités territoriales

En page 68, les données des effectifs ne sont pas connues pour 2013 !

"52 Données INSEE - système d’information sur les agents des services publics et DGCL – département des études et des statistiques locales."

Parmi les causes citées, mais qualitativement :
- hausse des effectifs, mais sans les relier à d'éventuels transferts de compétences par l'Etat, ou bien à une évolution démographique
- rémunérations indiciaires
- régimes indemnitaires
- augmentation des cotisations à la CNRACL
- revalorisation du SMIC
- coût de la réforme des rythmes scolaires (bloc communal)

Quantitativement, pour les régions, en page 150 :

"Les coûts imputables à la progression des effectifs liés aux transferts de compétence sont évalués à près de 1,5 Md€ en 2012 et ceux dus à la progression des effectifs hors transferts de compétences à 0,9 Md€, soit près d’un tiers du montant total des dépenses de personnel des régions la même année."

Néanmoins, en page 69, la cour estime qu'une stabilisation des dépenses salariales induirait 1,5 MdE d'économies !

En page 268, selon le Président de l'Association des Régions de France (ARF) :

"À titre d'exemple, la revalorisation des catégories C représente 0,9 % à 1,1 % de hausse mécanique de la masse salariale de nos Régions, soit un tiers de l'évolution annuelle que vous constatez."

Quantitativement, pour les villes entre 2012 et 2013, page 292, selon le Président de l'Assemblée des communautés de France (AdCF) :

"En ce qui concerne le rythme des dépenses de fonctionnement du secteur local (Nota Bene : résultats établis à partir de notre Observatoire basé sur les comptes administratifs 2013 principaux de 134 Villes de France), nous constatons également au niveau de notre réseau de villes un dérapage des charges de personnel (+ 2,3 %), qui résulte pour l’essentiel des mesures catégorielles décidées par l’État.

Les mesures de revalorisation indiciaire des personnels de catégorie C (80 % de notre masse salariale), les augmentations des taux de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), ou encore le glissement vieillissement technicité (GVT), sont en effet à l’origine de la plus grande part de progression de notre masse salariale entre 2012 et 2013, et cela plus que ne le laisse supposer votre rapport. Dans une logique de réduction de la dépense publique locale, Villes de France estime qu’il serait légitime de remettre en cause certains aspects du statut de la fonction publique territoriale, variable à la fois la plus importante et la plus rigide de la dépense locale."

Quantitativement, pour le Président du Conseil régional d'Aquitaine, page 307 :

"Pour votre information, le GVT cumulé entre 2007 et 2012 a été pour la seule région Aquitaine de 14,5%."

Un argument pertinent consiste à expliquer que le transferts de personnels par l'Etat n'ont pas forcément concerné le personnel dédié à la gestion de ces derniers : intégration des agents TOS et infrastructure RH.

"Ce fut notamment le cas à l’occasion de l’intégration des agents TOS et de l’« infrastructure » RH qu’il a fallu mettre en place pour assumer ces nouvelles missions, sans compensation de la part de l’État. Ainsi, si entre 2005 et 2012, 2841 postes budgétaires « agents des lycées » ont été intégrés dans les effectifs de la Région, seuls 9 emplois « support RH » ont été transférés des effectifs de l’État vers ceux de l’administration de la Région.
Or, la Région, pour pouvoir assumer la charge de l’administration de ces agents, a créé en sus 20 emplois au sein de la direction des agents des lycées, dont le coût global n’a été que partiellement compensé. À cela s’ajoutent 80 emplois affectés dans les lycées pour compenser l’insuffisance des effectifs constatés dans plusieurs établissements. C’est ainsi près de 100 emplois que la Région a créés en sus de ceux transférés, directement induits par un transfert de compétences et donc de charges insuffisamment compensées…"

Qualitativement, pour le Président du Conseil Régional de la Guadeloupe, page 323 :

"Il faut également tenir compte du fait que, dans les régions d'Outremer, les rémunérations subissent l'impact de la majoration des traitements par une indemnité de « vie chère » de 40 %."

4) La hausse des dépenses de personnel des intercommunalités ... et des communes

En page 130 du rapport :

- groupements intercommunaux à fiscalité propre de 1,59 MdE en 2000 à 6,27 MdE en 2012
- communes de 23,33 MdE en 2000 à 34,06 MdE en 2012

5) Le sujet du financement des transports ferroviaires

Le sujet est d'actualité, puisque la Commission Européenne s'intéresse au sujet du financement des TER par les régions.

http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/10/15/le-financement-des-ter-dans-le-collimateur-de-bruxelles_4506319_3234.html

En page 167 :

"En 2012, les recettes directes des voyageurs contribuent à 28 % au financement du coût d’exploitation des TER (contre 30 % en 2002). Source : SNCF."

Autrement dit, en l'absence de mécanisme de subvention du client voyageur, les tarifs devraient être multipliés par plus de 3 !

En page 166, pour information :

"Le coût des travaux de mise en accessibilité diffère sensiblement entre les différentes catégories de gares (de 0,5 M€ à 15 M€ en moyenne)."

Relever l'extrait de la réponse en page 264 du Président de l'Association des Régions de France (ARF) :

"Par ailleurs, sur la question de la maîtrise de la dépense ferroviaire, je ne vais pas réitérer nos nombreux échanges à ce sujet et me limiterais à vous rappeler que vos préconisations sont totalement en décalage avec la réalité vécue par les Régions. Les leviers que vous évoquez sont totalement virtuels face à l'opacité et l'inertie dont fait preuve la Société nationale des chemins de fer (SNCF). Alors que l’État qui exerce pourtant un rôle de tutelle et « d'actionnaire » de cet établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) éprouve les plus grandes difficultés à faire évoluer cette entreprise publique, penser que les Régions qui n'ont pas le choix de leur fournisseur pourraient y arriver me surprend vivement de la part de la Cour des Comptes."

6) La farce programmée des économies du projet de loi relatif à la délimitation des régions ?

Page 170 du rapport :

"La prévision d’économies d’échelle attendues de cette réforme est toutefois réalisée « toutes choses égales par ailleurs ». Elle ne préjuge pas des modalités que pourrait prendre, au sein des régions regroupées, l’harmonisation « par le bas » ou « par le haut » des régimes indemnitaires des personnels ou des niveaux d’intervention dans leurs divers champs de compétences, qui, en l’état actuel, présentent de très grandes disparités."

En France c'est par le haut ou par le bas ? Cela promet !

7) Une erreur de chiffre signalée par le Président du Conseil Régional de Basse-Normandie mais non prise en considération ?

En page 345 du rapport :

"Il est indiqué dans le chapitre IV Les conditions de l'équilibre structurel des régions, en I-B-2 a) la part variable des dotations dans le financement des régions, que la part des dotations en métropole est assez variable d'une région à l'autre. Elle représenterait, selon les indications de la Cour, 41,5 % des recettes totales en Basse-Normandie. Ce chiffre nous paraît inexact.

En réalité, selon nos calculs, ce rapport serait plutôt de 46 %.

Le montant des ressources totales de la Région s'élève bien à 614 M€ comme rappelé dans l'annexe 9 du rapport complet, mais le montant des dotations toutes sections confondues en 2013 n'est pas de 250 M€, mais 282 M€, soit un ratio de 46,05 %, qui situe la Région Basse-Normandie au-dessus de la moyenne de France métropolitaine.

Il me semble important que cette correction soit apportée à votre rapport. Mes services se tiennent à votre disposition pour vous apporter tous les éléments complémentaires que vous jugeriez nécessaires."

Vérification faite, page 158, le chiffre de 41,5 % n'a pas été modifié !

Une correction factuelle demandée par la Maire de Paris en page 392 a quant à elle bien été prise en considération.

III. Un rapport très contesté par les administrations et collectivités concernées

Très peu d'articles de presse relaient le contenu des réponses contenues dans le rapport de la Cour des Comptes.

InvestigationFin en prend connaissance systématiquement.

J'ai été particulièrement surpris de la vigueur des contestations.

Extraits des contestations

p264 RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES REGIONS DE FRANCE (ARF)

"J'aurais apprécié que vous fassiez mention de cette différence profonde qui n'est pas que sémantique"

p272 RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE (AMF)

"L'AMF dénonce l'attaque de la Cour sur l'utilité de l'Agence France Locale au regard des prêteurs déjà existants"

p296 RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES PETITES VILLES DE FRANCE (APVF)

"Pour l’APVF, ces affirmations ne sont pas acceptables"
"Cependant, l’APVF regrette que la Cour n’ait pas détaillé précisément l’impact des normes sur l’ensemble des charges de personnel."

p301 RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES MAIRES RURAUX DE FRANCE (AMRF)

"L’AMRF regrette que le texte soit un document essentiellement à charge (I) à l’encontre de la dépense des collectivités"
"Ce dossier est une nouvelle fois conçu à charge, sentencieux même avec des affirmations péremptoires"

p307 RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL REGIONAL D’AQUITAINE

"L’approximation du raisonnement suivi par la Cour une nouvelle fois m’interroge tant sur la méthodologie employée que sur le fond.
Problème de méthode en effet puisque la Cour procède davantage par affirmation que par démonstration"

"Quant au fond, ce « procès » intenté par la Cour aux collectivités, soupçonnées de recruter massivement au-delà des seuls besoins induits par les transferts de compétences, ne me parait pas acceptable pour une double série de raisons :"

"Sur un plan méthodologique, le raisonnement suivi par la Cour, tentant d’isoler et de quantifier les dépenses affectées par les Régions aux «compétences non-exclusives» et aux «compétences rattachées à l’exercice de la clause de compétence générale» est plus que contestable."

"Sur le fond, je ne peux que m’étonner de la confusion induite par la Cour lorsqu’elle prétend analyser « les dépenses non exclusives » des régions."

"Les rapports de la Cour se doivent d’être objectifs et impartiaux, fondés sur des données incontestables. J’avais il y a quelques semaines eu l’occasion d’apporter des éclaircissements à votre Cour à propos de l’extrait du rapport qu’elle m’avait communiqué.
Je ne peux que constater à la lecture de l’extrait du rapport définitif que nombre de ces remarques ont été en grande partie, malgré leur bien-fondé, ignorées de la Cour."

Le fond des contestations, non-exhaustivement :

- logique comptable
- le déficit des collectivités locales est un déficit lié à l'investissement alors que le déficit de l'Etat est un déficit de fonctionnement (l'Etat investit également non ?)
- l'effet de levier sur l'économie des investissements par les collectivités locales
- non-connaissance de l'état des compétences et des agents transférés, sous-dimensionnement des fonctions support transférées
- impact des normes transférées
- qualité du service public rendu
- situation particulière collectivité par collectivité (Régions) ...

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