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Investigation Financière Economique et Boursière
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15 novembre 2012

Apple, Google. La difficile compréhension des impôts sur les profits non rapatriés réalisés à l'étranger.

Un des sujets à la mode c'est le peu d'impôts sur les sociétés payés par des multinationales.

Cet article se focalise sur les cas d'Apple et de Google.

Pour ces deux multinationales cotées aux Etats-Unis et y publiant leurs comptes consolidées, concernant l'imposition sur les sociétés de leurs activités à l'étranger, il faut bien comprendre qu'il y a deux problématiques :

- optimiser l'impôt sur les sociétés payé à l'étranger ;
- optimiser l'impôt sur les sociétés payé à l'Etat fédéral américain ,de 35 %.

Résumons le cas de Google :

- par des transferts de prix entre filiales pour diminuer les profits dans les pays au taux d'IS élevés et les augmenter en Irlande. Comment ? Google Ireland Limited facture aux autres filiales des droits de recherche et de publicité. Google Ireland Limited règle des royalties à Ireland Holdings, qui a son centre de management effectif installé aux Bermudes. Mais avant que la trésorerie ne termine aux Bermudes, elle passe par une entité néerlandaise, Google Netherlands Holding BV, ce qui permet une exemption de la taxe de retenue à la source  irlandaise !

- tant que la trésorerie n'est pas rapatriée aux Etats-Unis, l'impôt sur les sociétés de 35 % (moins les impôts déjà réglés à l'étranger dans le cas de non double-imposition) n'est pas réglé au fisc américain.

source :
Bloomberg, Google 2.4% Rate Shows How $60 Billion Lost to Tax Loopholes, 21 octobre 2010, par Jesse Drucker
http://www.bloomberg.com/news/2010-10-21/google-2-4-rate-shows-how-60-billion-u-s-revenue-lost-to-tax-loopholes.html

Mais c'est là où les comptes d'Apple permettent de comprendre une subtilité :

- pour les bénéfices réinvestis à l'étranger, pas de provision pour impôt calculé ;
- pour les bénéfices non rapatriés susceptibles d'être réinvestis ou non, mais pas certainement, provision pour impôt calculé.

Ainsi, le taux d'imposition effectif du rapport annuel 2012 (comptes à fin septembre 2012) d'Apple de 25,2 % inclue une partie différée provisionnée qui est liée aux profits générés à l'étranger mais non rapatriés.

Vous allez voir, c'est technique, mais cela vaut la peine de s'y plonger parce que quelques surprises apparaissent, surtout à la comparaison des mêmes publications pour Google.

I. Lecture des rapports 10 K de 2010 à 2012 d'Apple

Il s'agit de comprendre la provision pour impôts de 14,0 milliards de dollars qui induit un taux d'imposition effectif de 25,2 %.

Cette provision pour impôts se décompose ainsi (chiffres annuels 2012 au 30 septembre en milliards de dollars) :

- Federal current 7,2 ; rapporté au résultat net avant impôt des activités US, 19,0 Md$, cela donne un taux de 38,2 % (2011 38,1 % 2010 38,8 % 2009 35,2 %) ; ces taux sont proches du taux théorique de 35 % ; on peut alors comprendre que c'est effectivement l'impôt sur les sociétés réglé sur les activités US au titre de l'impôt Fédéral ;
- Federal deferred 5,0 ; du calcul de cohérence précédent on peut supposer que ce montant est lié au résultat net avant impôt des activités étrangères, mais comment ?
- State current + deferred 1,1
- Foreign current 1,2 ; rapportés au résultat net avant impôt des activités étrangères, de 36,8 Md$, cela donne un taux d'imposition de 3,3 % (celui repris dans la presse, de 1,9 % inclue le différé !)
- Foreign deferred - 0,5

Un rapprochement fourni dans le 10 K explique l'écart entre l'impôt fédéral qui aurait dû être provisionné au taux de 35 % et le taux effectif de 25,2 % :

19,5 computed expected tax (qui représente bien 35 % du résultat net total avant impôt)
0,7 State taxes, net of federal effect (taxes au niveaux des Etats)
-5,9 Indefinitely invested earnings of foreign subsidiaries (profits des filiales étrangères indéfiniment réinvesties)
- 0,3 autres
14,0 provision pour impôt sur les sociétés (taux effectif de 25,2 %)

On comprend que ce qui explique principalement l'écart entre le taux d'IS normal US et le taux effectif ce sont les profits des filiales étrangères indéfiniment réinvestis.

Mais quid des 5 milliards de dollars en provision différée au niveau Fédéral ?

Un extrait de la page 61 est essentiel à lire attentivement :

"The Company’s consolidated financial statements provide for any related tax liability on amounts that may be repatriated, aside from undistributed earnings of certain of the Company’s foreign subsidiaries that are intended to be indefinitely reinvested in operations outside the U.S. As of September 29, 2012, U.S. income taxes have not been provided on a cumulative total of $40.4 billion of such earnings. The amount of unrecognized deferred tax liability related to these temporary differences is estimated to be approximately $13.8 billion."

En gras, il faut distinguer, sur le sujet des profits des filiales étrangères :

- ceux susceptibles d'être rapatriés ; ils figurent alors en dettes dans les états financiers ;
- ceux pour lesquels l'intention de réinvestissement en dehors des US est perpétuel. Notez bien l'intention, pas forcément la réalité ! En déduire qu'ils ne figurent pas en dette fiscale dans les états financiers, ce qui est cohérent avec le rapprochement plus haut des Computed expected tax !

Au 29 septembre 2012, il y aurait donc 40,4 milliards de dollars de tels profits qui n'auraient pas donné lieu à de la provision pour impôts US.

Le chiffre de 13,8 milliards d'impôt différé non reconnu dans les comptes représente 34,2 %. Ratio identique avec les chiffres de 2011 (23,4 et 8,0) ! Assez cohérent avec le taux d'imposition théorique de 35 %.

Mais ce qui va brouiller la compréhension globale, c'est le décomposition des impôts différés actifs et passifs.

Dans les 14,9 milliards de dollars d'impôts différés passifs au 29 septembre 2012 figurent 14,7 milliards de dollars de Unremitted earnings of foreign subsidiaries.

Si je suis la logique de compréhension, de tels impôts proviennent des profits des filiales étrangères qui peuvent être rapatriés aux Etats-Unis à l'avenir.

Mais regardons l'évolution de ce poste : en 2012 + 5,8 milliards de dollars en 2011 + 3,9 milliards de dollars.

Coïncidence ? ces deux chiffres collent à peu près avec les montants 2012 et 2011 des Indefinitely invested earnings of foreign subsidiaries !  Et collent beaucoup moins avec les Deferred Federal de 5,0 et 3,0 milliards de dollars pour 2012 et 2011 !

Alors qu'ils devraient davantage coller avec les deuxièmes qu'avec les premiers !

II. Lecture des rapports annuels de 2008 à 2011 de Google

Les données sur l'imposition des sociétés sont de nature analogues à celles qui figurent dans les rapports d'Apple.

Mais à quelques nuances subtiles près.

1)

Le rapprochement qui explique l'écart entre l'impôt fédéral qui aurait dû être provisionné au taux de 35 % et le taux effectif (21 % en 2011 pour Google) montre une ligne différente de celle d'Apple (Indefinitely invested earnings of foreign subsidiaries) mais qui semble avoir le même effet :
Foreign rate differential - 2,0 milliards de dollars

Il semblait pourtant que c'était le fait que les profits des filiales étrangères soient indéfiniment réinvestis à l'étranger qui faisait que de telles sommes n'étaient pas soumises à l'impôt fédéral, pas le fait qu'il y avait un différentiel de taux !

2)

L'extrait à lire attentivement dans le cas de Google est le suivant :

"We have not provided U.S. income taxes and foreign withholding taxes on the undistributed earnings of foreign subsidiaries as of December 31, 2011 because we intend to permanently reinvest such earnings outside the U.S."

Une différence de taille entre Apple et Google. Là où Apple semble identifier des profits des filiales étrangères susceptibles d'être rapatriés aux US, et donc contribuant à la provision pour impôt, Google semble TOUS les considérer comme réinvestis indéfiniment en dehors des US !

"If these foreign earnings were to be repatriated in the future, the related U.S. tax liability may be reduced by any foreign income taxes previously paid on these earnings."

En effet, l'impôt US serait diminué des impôts réglés à l'étranger.

"As of December 31, 2011, the cumulative amount of earnings upon which U.S. income taxes have not been provided is approximately $24.8 billion. Determination of the amount of unrecognized deferred tax liability related to these earnings is not practicable."

Curieux, là où Apple parvient a fournir une estimation (voir l'extrait plus haut) Google n'en serait pas capable !

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Commentaires
L
encore plus génial que d'habitude!!
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