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Investigation Financière Economique et Boursière
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1 février 2012

Rapport de la Cour des Comptes sur les coûts de la filière nucléaire. Prudence sur son interprétation !

La Cour des Comptes a publié le 31 janvier 2012 son rapport de 430 pages sur les coûts de la filière électronucléaire.
http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RPT/Rapport_thematique_filiere_electronucleaire.pdf

I Prudence sur l'interprétation du rapport de la Cour !

Partisans et opposants du nucléaire interprètent en sens inverse les chiffres de coût publié par la Cour des Comptes.

Exemple, la réponse d'EDF, citation de la page 428 du rapport : "L’enjeu central de ce rapport est de déterminer le coût de production du parc nucléaire existant. Ce coût que vous évaluez à 49 €/MWh en 2010 en utilisant une approche économique pertinente, confirme nos propres évaluations ...Il reste bien inférieur au coût de production de tout autre moyen, actuel ou futur, ce qui justifie que l’on cherche à tirer le meilleur parti du parc nucléaire existant, le plus longtemps possible".

La presse titre également dans tous les sens.

Exemple, Les Echos "La Cour des comptes écorne la compétitivité du nucléaire"
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/energie-environnement/actu/0201872565553-la-cour-des-comptes-ecorne-la-competitivite-du-nucleaire-282285.php

Je vous invite à un très grande prudence dans la lecture des articles de presse, à moins que les concepts suivants de la réponse CRE du rapport de la Cour n'aient aucun secret pour vous : coût courant économique, coût comptable complet de production, coût complet du parc nucléaire français.

Pour avoir lu le rapport de la Cour des Comptes avec attention, il m'est encore difficile à ce stade d'émettre une opinion sur le sujet de la compétitivité de la filière nucléaire à partir des nouveaux chiffres de la Cour. Surtout que le rapport de la Cour ne traite pas des autres filières !

II. La Cour des Comptes confirme mes travaux sur la comparaison non-pertinente par la presse des coûts de démantèlement avec le Royaume-Uni

Sur le sujet de la comparaison des coûts de démantèlement avec le Royaume-Uni, la Cour des Comptes confirme ce qu'Investigationfin avait écrit dans 2 articles dès le mois de mai 2011 :

- Nucléaire 8. Coûts de démantèlement. Médias et nucléaire, la prolifération de l'incompétence.
http://investigationfin.canalblog.com/archives/2011/05/02/21035966.html
- Nucléaire 9. Démantèlement. Des chiffres de la Cour des Comptes mal interprétés par Wikipedia, l'erreur prolifère.
http://investigationfin.canalblog.com/archives/2011/05/03/21044526.html

Je citais notamment le site de retraitement de Sellafield qui représente une grande partie des coûts de démantèlement estimés par la NDA, ,a non-comparabilité des réacteurs EDF en exploitation avec ceux de la NDA

Plusieurs médias étaient concernés par cette grossière erreur : Wikipedia, Sortir du nucléaire, L'Express du 15 mars 2011, Challenges du 24 mars 2011, Greenpeace, Corinne Lepage (dont j'attends toujours la réponse, mais si elle lit le rapport de la Cour des Comptes peut-être comprendra-t-elle ...) pour d'autres noms se référer à mon article 9.

J'avais indiqué dans mon article 8 que les coûts à retenir pour la comparaison avec EDF n'étaient pas de 70 milliards de £ mais de 15,7 milliards de £ (Decom & Clean-up).

J'écrivais même que les réacteurs britanniques, de faible puissance, étaient davantage comparables à Brennillis qu'aux 58 réacteurs REP d'EDF en exploitation.

Or, qu'écrit la Cour des Comptes, qui critique, comme je l'avais fait, le chiffre de 70 milliards de £ repris par la presse française?

Qu'"il faut distinguer, d’une part, les centrales arrêtées gérées par la NDA et, d’autre part, les centrales en activité de British Energy, dont le démantèlement est financé par le NLF (Nuclear Liabilities Fund)." puis "Sellafield représente ainsi 52 % des coûts identifiés. Pour comparer à EDF, il convient donc de ne tenir compte que des centrales, soit 10 Md£ en valeur actualisée."

Puis la Cour des Comptes compare non pas aux 58 centrales REP d'EDF ... mais aux 9 centrales françaises arrêtées, celles de la première génération !

"Le coût actualisé au Royaume-Uni s’élève à 2,4 M£/MW248, soit 2,78 M€/MW. Rapporté à la puissance des 9 centrales françaises arrêtées (3 659 MW avec des technologies diverses), le coût atteindrait 10,1 Md€."

Notez tout de même que la Cour des Comptes n'a pas vraiment creusé le sujet des charges de démantèlement du parc de 58 réacteurs REP d'EDF, puisqu'on peut lire en page 114 :
"S’agissant du démantèlement du parc en exploitation, la Cour n’est pas en mesure de valider le montant des charges de démantèlement de ce parc, calculées sur la base de la méthode historique du « coût de référence » (18,4 Md€2010), en raison, d’une part, de son caractère forfaitaire et, d’autre part, de l’absence d’études approfondies ayant conduit à l’adoption de cette méthode, déjà notée par la Cour dans son rapport public de 2005."
Même s'il faut s'attendre à une hausse des devis d'EDF (pages 91 et 114).

III. Remarque sur les calculs de la Cour des Comptes : la référence à la production 2010

Le chiffre principal issu du rapport est celui du coût de production du parc nucléaire existant, évalué à 49,5 €/MWH en 2010.

Il s'agit du coût courant économique "qui ne tient pas compte de l'amortissement du parc actuel, qui rémunère le capital investi à l'origine en tenant compte de l'inflation." page 280

Ce chiffre est obtenu en divisant le coût de production de 20 172 M€2010 (dépenses d'exploitation, investissements de maintenance, coût d'utilisation des actifs nucléaires) par la production 2010 de 407,9 TWh.

La séquence temporelle de la production du parc nucléaire actuel est fournie en annexe 6 page 303. Après des pics de production de 427,1, 429,2 et 428,1 TWh en 2004 2005 et 2006, le niveau de production a baissé d'un cran en 2007 et 2008, avec 418 et 417,6 TWh, pour chuter en 2009 (389,9 TWh) .. et enfin remonter en 2010.

La Cour a étudié l'impact de la variation de certains coûts, mais n'a pas tellement évoqué l'impact du niveau de production.

Au niveau de production de 2008, le coût du parc aurait été de 48,3 €/MWh2010 soit 2,4 % de moins.
Au niveau de production de 2009, le coût du parc aurait été de 51,7 €/MWh2010 soit 4,4 % de plus.

La Cour des Comptes aurait pu tenter de proposer un niveau de production moyen normatif. Qu'est-ce qui prouve que c'est bien le niveau de production de 2010 de 407,9 TWh ?

IV Rapprochement des coûts d'investissement estimés par la Cour des Comptes avec les sources existantes

Le rapport de la Cour avance des coûts d'investissement (coût overnight) des 58 tranches en activité de 83,2 milliards d'euros en euros de 2010.

En page 398, dans la réponse du CEA, figure le chiffre de 96 Mds€2010, qui résulte de l'addition du coût overnight et des 12,8 milliards d'euros (page 269) estimés d'intérêts intercalaires.

Le coût overnight se décompose ainsi (page 266), "dépenses constatées ou estimées essentiellement au cours des années 1973 à 2002" :
- 72,9 Md€2010 coût de construction initiale
- 6,9 Md€2010 frais d'ingénierie
- 3,4 Md€2010 charges de pré-exploitation

Les intérêts intercalaires de de 12,8 Md€2010 sont obtenus à partir d'un taux d'intérêt réel de 4,5 %, alors qu'avec 7,8 %, EDF les estime à 23 Md€2010.

Quels chiffres étaient disponibles avant le rapport de la Cour des Comptes ?
Lire mon article du 17 mai 2011 qui montrait l'incohérence avec les données numérisées issues du graphe d'EDF et le rapport d'évaluation de 2000 :
Article 10 Nucléaire Coût des investissements du parc existant. Francs constants ou courants  dans le rapport Charpin ? Doutes http://investigationfin.canalblog.com/archives/2011/05/17/21155656.html

Première source. Rapport 2000 Girard Marignac Tassart Le parc nucléaire actuel mission d'évaluation économique de la filière nucléaire http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics//014000107/0000.pdf

Les dépenses d’investissement d’EDF hors versements effectués par les compagnies étrangères au titre de leur participation dans des réacteurs français sont estimées à 470 GF CE 99, dont 424 GF CE96 pour la période 1971-1996.

470 GF CE 99 valent 87,3 Md€2010, pas tant éloigné des 83,2 Md€2010 du rapport de la Cour des Comptes.

Deuxième source Tome II du rapport Bataille de 1999 sur l'aval du cycle nucléaire
http://www.senat.fr/rap/r98-195/r98-1951.pdf

Echéancier de décaissement pour l'investissement nucléaire d'EDF de 1971 à 1998 à 281 milliards de francs courants. Convertis en francs constants, on obtient 456,9 GF, proche de l'ordre de grandeur du rapport 2000 de Girard Marignac Tassart.

Troisième source présentation EDF de 2008 aux investisseurs
http://clients.dbee.com/edf/20081204/fr/telechargement/EDF_InvestorDay_Full_vf.pdf

Dans une présentation EDF destinée aux investisseurs fin 2008, la page 110 montre un graphique des investissements d'EDF dans le nucléaire, la comparaison des périodes de construction 1970-1998 versus 2009 2019, avec la décomposition à partir de 2005 entre nouveau nucléaire et parc existant. Les données chiffrées sont en euros 2008.

La numérisation du graphique me permettait de reconstituer un total de 147,5 milliards d'euros 2008 entre 1971 et 1996 et 432,3 GF en francs courants. Ce qui me posait problème avec les 424 GF CE 1996 du rapport de 2000 !

V. La Cour des Comptes révèle le chiffrage de l'étude DGEC de 2007

En page 225 du rapport, la Cour des Comptes affirme qu'en 2007 la DGEC proposait une estimation de 44,9 €/MWh (soit 46,6 €2010) pour un EPR récurrent.

La Cour des Comptes aurait pu préciser que l'étude DDEC en question se refusait à publier des chiffres en valeur absolue mais sous forme d'indices ... "enfin, s'agissant d'informations commercialement sensibles dans des marchés concurrentiels particulièrement tendus, il a été considéré préférable de ne pas publier, pour les moyens de production centralisés, les hypothèses et les résultats en valeur absolue, mais plutôt, dans ce document public de synthèse, de présenter les résultats sous forme indicielle" ....
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/cout-ref-synthese2008.pdf

Je signale que dans l'étude DGEC le scénario de référence (base) est une durée d'annuelle d'appel de 8760 heures, soit 24 heures 365 jours sur 365 !

Le dernier chiffrage de ce type rendu public par la DGEMP remontait à 2003 et donnait, pour un EPR, 28,4 €/MWh en euros de 2001, également pour 8760 heures !

28,4 €/MWh2001 donne 33,4 €/MWh2010. Ainsi, entre les études 2003 et 2007, le coût estimé d'un EPR avait déjà augmenté de 40 % !

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Commentaires
R
Ce genre d'article n'arrive a aucune conclusion claire et intelligible. <br /> <br /> Inutile et prétentieux.
Répondre
O
Un grand merci pour ces infos. Cela confirme ce que j'étais en train de chercher. Certains soulignent que l'estimation conforte les estimations officielles ... sans dire que celles-ci ont augmenté de 40% en moins de 10 ans, en € constant !
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