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Investigation Financière Economique et Boursière
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7 septembre 2011

Rapport sur les niches fiscales. Doutes sur l'efficacité attribuée à l'exonération de taxe carburant pour le transport aérien.

Un enjeu de 3,5 milliards d'euros dans le rapport principal mais réduit de 10 fois en fiche d'analyse.

Le 29 août 2011 a été rendu public le rapport de 356 pages du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales.

http://www.budget.gouv.fr/files/rapport-comite-evaluation-depenses-fiscales-et-niches-sociales.pdf

Le rapport est daté de juin 2011, il a donc fallu 2 mois pour que le package sorte officiellement ...

De nombreux fichiers annexés (600 !) au rapport sont également accessibles.

http://www.budget.gouv.fr/budget/rapport-comite-devaluation-des-depenses-fiscales-et-des-niches-sociales

1) Rapport principal de 356 pages

Les travaux du Comité d'évaluation ont porté sur 470 dépenses fiscales et 68 niches sociales représentant 104 milliards d'euros.

L'évaluation mesure par mesure figure dans le rapport, selon 4 niveaux : 0 mesure pas efficace puis 1 2 ou 3 pour une mesure de plus en plus efficiente.

La dépenses fiscale DF 800109 Exonération de taxe intérieure de consommation pour les produits énergétiques utilisés comme carburant ou combustible à bord des aéronefs, à l'exclusion des aéronefs de tourisme privé a attiré mon attention.

L'impôt concerné est la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, le chiffrage 2011 ressort à 3,5 milliards d'euros, le score attribué est 2.

Il s'agirait donc d'une mesure efficiente.

Mais, à vue de nez, favoriser un moyen de transport qui émet davantage de CO2 que le ferroviaire peut sembler négatif du point de vue du Grenelle de l'Environnement.

Ce point est d'ailleurs abordé dans le rapport en page 28 pour une autre mesure, la 800201 (taux réduit de taxe intérieure de consommation applicable au fioul domestique utilisé comme carburant diesel). Mais le Comité d'évaluation passe outre, affirmant que « certaines mesures pourront donc être considérées comme efficaces, voire efficientes, en dépit de cet effet secondaire si elles atteignent effectivement l'objectif principal visé par le législateur ».

Plus de détails apparaissent en annexe H.

2) Annexe H de 40 pages

L'annexe H est un rapport de 40 pages intitulé Dépenses fiscales liées à la consommation d'énergies fossiles, daté d'avril 2011.

La mesure 800109, avec 3,5 milliards d'enjeu dans le PLF 2011, est la plus importante du total de 5,8 milliards des 26 dispositifs fiscaux étudiés.

Dans l'annexe H, l'effet prix est noté souvent significatif. Pour la navigation aérienne, le prix du carburant, sans la DF 800109 augmenterait de 100 % en 2009 (0,43 €/hl au lieu de 0,86 €/hl hors TVA). L'effet-prix sur le consommateur final est estimé élevé, à 12 % du prix du billet.

Mais est-ce bien, en ces temps de crise, le rôle de l'Etat de soutenir à la baisse le prix d'un billet d'avion commercial ? Voyager en avion penche-t-il plutôt vers le luxe ou bien le besoin de première nécessité ?

Plus loin, l'annexe H note que les opérateurs du transport par avion et navire sont à la fois les entreprises les plus aidées par l'Etat et celles pour lesquelles la dépense fiscale a le plus fort impact sur leur rentabilité. L'enjeu serait majeur en raison des marges très réduites du secteur aérien, de 1 à 2 % environ.

Oui, mais alors comment expliquer le développement ces dernières années des compagnies low cost ? N'est-ce pas indépendamment de cette dépenses fiscale ?

L'impact sur l'emploi est jugé particulièrement difficile à établir, mais les impacts directs estimés pour les vols intérieurs sont de 600 emplois. Rapportés à 3,5 milliards d'euros, cela fait cher l'emploi. Plus loin, un autre chiffre est fourni, 950 emplois préservés, chiffre obtenu ainsi : étude FNAM baisse d'un million de passagers = perte de 400 emplois en personnel ; effet positif en 2009 de + 14 % sur le trafic aérien de 17 millions de passagers, soit + 2,4 millions, d'où 400 x 2,4 = 960 emplois. En fiche (voir plus bas), 600 est un solde net de 950 moins 350 emplois supplémentaires à la SNCF.

Concernant les émissions de CO2, un coût de 12,7 millions d'euros seulement est calculé, pour 395 471 tonnes, avec un coût de référence de 32 euros la tonne de C02. Ce qui amène le Comité d'évaluation à estimer que l'impact des dépenses fiscales sur l'environnement est limité.

J'ai du mal à adhérer à la pertinence de cette approche qui minimise le coût des émissions de CO2. Ainsi peut-on lire un coût de seulement 700 000 euros pour les 20 805 tonnes de CO2 des taxis, ou bien 3,3 millions pour les 103 532 tonnes de CO2 des routiers.

A ce train là finalement émettre du CO2 ne coûte rien par rapport aux dépenses fiscales de l'Etat. Donc si on pouvait croire qu'on est dans un monde pollué qu'il convient de nettoyer, qu'en est-il des dépenses de l'Etat, je vous le demande ?

Encore plus de détails dans la fiche DF 800109.

3) Fiche de 15 pages Modalité de calcul de l'impôt n°800109

L'objectif de la mesure consiste à favoriser le développement du transport aérien en limitant, par une exonération totale de la TIC applicable aux carburants, les coûts fixes liés à ces derniers supportés par les compagnies aériennes. Objectif inchangé depuis la seconde guerre mondiale !

La fiabilité du coût de la dépense fiscale est douteuse, puisque le chiffre de 3,5 milliards d'euros est inchangé de 2008 à 2011 dans les PLF 2010 et 2011, alors que le trafic aérien évolue ! Quant aux années antérieures, la dépense fiscale était jugée bien plus faible, à 1,5 milliard environ !

En fait, comme le souligne le Comité d'évaluation, la directive européenne 2003/96 d'exonération de TIC les vols effectués à titre autre que de tourisme privé, transposée en droit français à l'article 265 bis du code des douanes, ne permet de marge de manoeuvre que sur la fiscalisation des vols intérieurs.

Ce n'est donc que sur la partie des 3,5 milliards qui relève des vols intérieurs que l'analyse devrait être effectuée.

Problème, ce chiffrage serait particulièrement difficile à établir, la DGDDI ne disposant pas de statistiques sur la répartition des consommations de carburants entre vols intérieurs et vols internationaux. Une approximation pourrait être effectuée à partir de données DGAC.

Nous voilà bien avancés à divaguer sur une niche fiscale de soi-disant 3,5 milliards d'euros dont l'enjeu est bien moindre et non chiffré !

Chiffrage qui apparaît finalement pourtant plus loin en page 13, la part concernant les vols intérieurs représenterait 315 millions d'euros sur les 3 500 millions du total. Le dimensionnement du dispositif ne pourrait être revu qu'à cette marge.

Ne trouvez-vous pas étonnant qu'il faille comprendre cela dans une fiche annexe zippée, et non pas dans le rapport principal ou l'annexe H, qui laissent croire à 3,5 milliards d'euros d'enjeu alors qu'en fait l'enjeu est limité au dixième, quelques centaines de millions d'euros !

Sur le thème de l'atteinte de l'objectif recherché, la fiche indique que « la dépense fiscale a contribué à la démocratisation du transport aérien et a assuré le développement des aéroports de province, ce qui était le but recherché initialement. »

Ben voyons, Ryanair et Easyjet ne diraient pas autrement !

L'expression « opérateurs low cost » apparaît d'ailleurs seulement en page 11 et 13. La dépense fiscale favoriserait la desserte aérienne intérieure et permettrait de maintenir leur compétitivité par rapport aux opérateurs low cost qui bénéficient d'aide au démarrage financées par les collectivités locales. Nonobstant les vols intérieurs d'Easyjet Paris Nice par exemple ?

Autre argument surprenant, le dispositif fiscal aurait permis aux sociétés pétrolières présentes sur le sol français de continuer à réaliser une partie de leurs chiffre d'affaires en France. Bah oui, d'ailleurs pourquoi faire des économies d'énergie sur la consommation de pétrole puisque cela permet aux sociétés pétrolières de continuer à réaliser du chiffre d'affaires en France !

Je ne sais pas si vous avez été convaincu par mes doutes, mais je persiste à douter du bien fondé de la note d'efficience 2 attribuée à cette dépenses fiscale.

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