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Investigation Financière Economique et Boursière
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8 avril 2011

Nucléaire 7. Coût de production de l'électricité nucléaire. Pistes d'améliorations de la méthode

Autant prévenir, cet article est long, difficile à lire.

Sujets abordés :

1) Quel parc étudier ?

2) Actualisation des coûts et de la production

3) Production électrique

4) Nature des coûts à considérer

5) Coûts d'investissement (hors démantèlement)

6) Coûts de démantèlement et de stockage. Polémique coût - sécurité

Ceux qui prennent le temps et que le sujet intéresse sauront trouver matière .. mais je veux bien être contredit.

1) Quel parc étudier ?

L'estimation tous les 4 ou 5 ans d'un coût de production d'une nouvelle installation à la marge ou par série de 10 telle qu'elle est effectuée par la DIGEC (avant la DGEMP) est insuffisante.

La démarche du rapport CDP (estimation du coût du parc nucléaire existant puis du futur) en 2000 devrait être mise en oeuvre CHAQUE ANNEE !

Ne peut-on trouver 3 ou 4 personnes parmi les milliers d'effectifs de l'Insee, du Ministère des Finances ou bien du Ministère de l'Ecologie pour mettre à jour un tel travail ? Que la Cour des Comptes contrôlerait chaque année pour en rendre compte dans son rapport annuel ?

J'ajoute que le coût économique du parc nucléaire existant est calculé pour les centrales REP seulement. Or des dépenses de démantèlement concernent d'autres centrales : Brennilis, Phénix, Superphénix, réacteurs UNGG ou autres. Je recommande par conséquent de les inclure dans le calcul du coût de production.

2) Actualisation des coûts et de la production

Le coût économique du parc nucléaire existant vu par la mission d'évaluation de mars 2000 n'intègre pas d'actualisation. C'est une erreur selon moi, et je vais expliciter juste après. Les estimations prospectives, si, 3 %, 7 %, 8 % plus généralement, 10 %.

Il est important de procéder à des estimations en faisant varier les coûts d'actualisation.

En revanche, je ne comprends pas pourquoi une actualisation n'est pas appliquée :

- pour les années écoulées avec la conversion francs courants francs constants qui rend compte de l'inflation ;

- pour les années non écoulées avec des taux d'inflation anticipés.

Pourquoi ? Regardez les dépenses de maintenance entre 2000 et 2010. Typiquement, une estimation actualisée leur appliquerait 8 % d'actualisation (division par 1,08 en 2001, par (1,08)^² en 2002, etc ...). Et pourtant, si les dépenses réelles sont conformes à la prévision, ce sont des dépenses augmentées par l'inflation, qui finalement seront divisées de la même inflation pour être exprimées en monnaie de 2000 !

Pour le passé, il y a forcément un lien entre le coût de production de l'électricité et ce que le consommateur paie.

Y aura-t-il d'ailleurs un jour un calcul détaillé pour savoir si, année par année et en cumulé, ce qui a pour l'instant été payé par le consommateur (national ou international par les exportations) est conforme à la quote-part du coût de production du parc nucléaire existant ?

Démarche qui serait facilitée par ce que je préconise dans cet article.

Or, ce que le consommateur paie sur différentes années est bien converti en monnaie d'année n à partir du fichier Insee de pouvoir d'achat (conversion francs ou euros courants francs ou euros constants).

Exemple :

Supposons une estimation effectuée début 2012 en monnaie de 2011 qui permette de faire coïncider le coût de production du parc actuel et ce que paie le consommateur (dans ce qu'il paie on enlève la quote-part qui correspond au parc futur, je sais c'est compliqué). Un après, une nouvelle estimation est effectuée, mais avec les données réelles de 2012 ; supposons une inflation réaliste de 2 % ; or, l'actualisation a été effectuée à 8 % ;

coût estimé en 2011 100 €/MWh le parc permet de produire 1 MWh par an sur 10 ans, coût non actualisé de 100 euros chaque année

2011 consommation = production = 1 MWh

Le problème, c'est que l'actualisation à 8 % fait qu'en 2012 le 100 prévu en 2011 vaut 108 euros de 2012 pour qu'il vaille 100 en 2011. Or l'inflation étant de 2 % le coût n'a été que de 102 euros !

Les résultats sont ainsi faussés.

Je recommande par conséquent d'appliquer l'actualisation en pouvoir d'achat non seulement au réalisé mais également au prévisionnel (avec des hypothèses de taux d'inflation).

Dans le rapport CDP, taux d'actualisation = taux de préférence pure pour le présent +effet richesse

Dans le tome II du rapport Bataille Galley de 1999, le taux d'actualisation rend compte de la valeur-temps de l'argent, 3 fonctions sont distinguées : le taux d'actualisation équivalent à un taux de rendement interne (donc taux très élevé), le taux d'actualisation pour le choix d'investissements d'intérêt public, le taux d'actualisation en cas d'impact à long terme sur les générations futures (donc tendance à la baisse du taux d'actualisation).

3) Production électrique

Il convient de prendre la production électrique nette, ce que le rapport CDP (mission d'évaluation du parc nucléaire en fait) ne fait pas dans les calculs concernant le parc nucléaire actuel, voir mon article 6.

Il conviendrait également de prendre en considération les 306 TWh produits par les autres réacteurs (page 69 du rapport CDP).

On peut d'ores et déjà comparer le production électrique réelle de 1999 à 2010 et celle prévue par le rapport CDP :

production électrique prévue par le rapport CDP entre 1999 et 2010 = 4 917 TWh

production brute d'électricité nucléaire selon Insee entre 1999 et 2010 = 4 747 TWh soit 3,5 % de moins !

production nette d'électricité nucléaire selon Insee entre 1999 et 2010 = 4 522 TWh soit 8,1 % de moins !

D'où l'intérêt de la démarche que je propose !

A force d'écart de 3, de 8 % ici ou là quel est donc le coût réel de la production électrique nucléaire ?

4) Nature des coûts à considérer :

Sans prétendre être exhaustif et ne faisant que recenser ce qui existe en littérature déjà citée dans mes autres articles.

Coût d'investissement = coût de construction + frais maîtrise d'oeuvre + intérêts intercalaires + frais préexploitation + démantèlement + R&D + aléas

Coût d'exploitation = coût d'exploitation (dont maintenance, décomposition possible en charges annuelles et charges centrales + taxes + frais généraux + R&D) + coût post exploitation + coût jouvence (lié à l'allongement de la durée de vie des réacteurs) + assurance ; décomposition en coûts fixes et coûts variables

Coût combustible : (lié à la matière première, la conversion, UTS, fabrication, retraitement) + celui lié au stockage

Coûts externes (liés aux coûts d'accident nucléaire)

5) Coûts d'investissement (hors démantèlement)

Pour le parc nucléaire actuel en 2000, les investissements sont chiffrés à 470 milliards de francs courants par la mission d'évaluation économique de la filière nucléaire en mars 2000 (liée au rapport CDP).

Le rapport écrit qu'il s'agit de dépenses réelles pour la période 1970-1998 et que les données économiques sont exprimées en GF conditions économiques 1999.

Un graphique est fourni en page 125, à partir de données EDF, montrant la séquence des investissements nucléaires de 1971 à 1996 , 424 GF aux conditions économiques de 1996 :

Extrait_Bilan_parc_actuel_2000_p125

Selon Insee pouvoir_achat.xls, 1 FF de 1996 vaut 1,024 FF de 1999. D'où 424 GF CE96 = 434 GF CE99.

Le passage entre ce dernier chiffre et le 470 GF n'est pas documenté, la phrase « on peut considérer que l'ensemble des investissements liés à la réalisation a représenté un montant de 470 GF » laisse le lecteur curieux sur sa faim.

Le complément concerne-t-il des dépenses pour les réacteurs REP à partir de 1997 (il restait à finir Chooz B1 B2 Civaux 1 et 2) ou bien est-ce 10 % de plus ou bien les investissements dans les autres types de centrale (Ungg etc) sont-ils additionnés ? La première hypothèse est la plus plausible.

Le rapport fournit des chiffres CE 99 : UNGG 6 réacteurs 20 GF Brennilis 2 GF Chooz A 3,2 GF Phénix 4,0 GF Superphénix 28,0 GF (34,4 GF) total 57,2 GF. Le total avec les REP serait supérieur à 470 GF, donc ils ne seraient pas inclus !

470 milliards de francs CE99 cela fait 0,18374 x 470 =86,4 milliards d'euros CE 2010, pour 58 centrales, soit environ 1,5 milliards d'euros par centrale.

La DGEMP estimait en 2003 le coût unitaire d'investissement d'un EPR (pour une série de 10) aux CE 2001 à 1 663 €/kWe (taux d'actualisation 8 %), la puissance du réacteur étant de 1590 MWe, ce qui donne un coût d'investissement de 2,6 GE CE 2001.

Quant on sait que le budget initial de l'EPR de Flamanville était de 3,3 milliards d'euros pour une durée de construction de 5 ans et qu'il a été réévalué à 5 milliards d'euros pour une durée de construction de 7 ans ... certes sur une série de 10 la facture devrait être moindre en moyenne, mais les 10 seront-ils bien construits ?

source des chiffres EPR Flamanville

http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/energie-environnement/actu/0201266643862-nucleaire-l-asn-n-exclut-pas-un-moratoire-du-chantier-de-l-epr-a-flamanville.htm

Dernière remarque sur le sujet, et qui mesure l'ampleur du gouffre qui nous sépare de la connaissance ne serait-ce qu'approché du coût de production de l'électricité nucléaire, issue d'un extrait du rapport 2005 de la Cour des Comptes sur le démantèlement des installations nucléaire :

« On ajoutera que si le montant de l'investissement brut initial, qui servait à calculer la provision, est parfaitement connu pour les centrales actuelles, il ne l'est pas vraiment pour les centrales anciennes. »

Edifiant.

Si on ne connaît même pas les coûts des centrales anciennes, qu'en est-il de celles qui ne sont pas encore construites ? C'est une aimable plaisanterie.

6) Coûts de démantèlement et de stockage. Polémique coût - sécurité

Dans le rapport de la mission d'évaluation du parc nucléaire de mars 2000, le coût du démantèlement immédiat 128 GF et celui du démantèlement décalé 112 GF CE 99.

Le rapport 2005 de la Cour des Comptes sur le démantèlement des installations nucléaires et la gestion des déchets radioactifs fournissait de nombreuses analyses, mais ne remettait pas tellement en question le niveau des estimations effectuées par EDF, Cogema et le CEA. Ses remarque sur Brennilis sont pertinentes mais le cas Brennilis ne peut être extrapolé à l'ensemble des centrales REP.

La difficulté de comparer les chiffres, c'est que plus on retarde la chronologie des dépenses, plus le taux d'actualisation les diminue en monnaie d'aujourd'hui ou d'avant.

Exemple cette remarque de la Cour en page 108 « Jusqu'en 1999, EDF réalisait le démantèlement des centrales jusqu'au niveau 2 de l'AIEA, et son intention était d'attendre 25 à 50 ans pour profiter de la décroissance de la radioactivité avant d'intervenir sur le réacteur pour passer au niveau 3 de démantèlement. »

Puis en page 111 : « Pour l'ensemble de ces raisons, la décision d'avancer le démantèlement des centrales arrêtées a été prise en 2001. Dans les autres pays, les délais varient beaucoup, mais on notera qu’aux États-Unis le démantèlement rapide a également été préféré et qu’au Japon il est prévu une dizaine d'années après l'arrêt. Pour réaliser cette stratégie de démantèlement, EDF a créé en janvier 2001, au sein de sa division ingénierie, une structure spécifique, dénommée Centre d’Ingénierie Déconstruction Environnement (Ciden). »

Selon la Cour, la déconstruction des centrales de première génération et Superphénix au niveau 3 de l'AEIA est programmée d'ici 2025.

Le rapport de la Cour des Comptes traitait aussi la question de la gestion des déchets radioactifs. Là en revanche il semble y avoir davantage de mouvements sur les chiffres :

- gestion et stockage des déchets de très faible activité TFA : 1 000 F/t (estimation 2000 rapport parlementaire Rivasi n°2257) ; 270 €/t (estimation 2005 lue dans le rapport de la Cour des Comptes)

- déchets de faible et moyenne activité à vie courte : 17 000 F/t (estimation 2000 rapport parlementaire Rivasi n°2257) ; 2 529 €/m3 en 2002, 650 000 m3 prévus soit un coût prévisionnel de 1,6 MdE (2005 rapport de la Cour des Comptes sur le démantèlement)

- déchets de moyenne activité à vie longue et haute activité : 90 MdF de 2020 à 2070 (estimation 2000 rapport parlementaire Rivasi n°2257) ; études et construction des 3 laboratoires prévus : 11 MdF (estimation DIGEC 1997 selon rapport 1999 tome II Bataille Galley) ; réévaluation ANDRA 14,7 MdE 2003 (2005 rapport de la Cour des Comptes sur le démantèlement) ; estimation nouvelle de l'ANDRA de 15 à 35 milliards d'euros (rapport parlementaire 2011 Bataille Birraux n°3108 !

Tenir compte également des dépenses de R&D sur les 3 axes de recherche de la loi de 1991 : 2,2 milliards d'euros dépensés entre 1992 et 2003 d'après le rapport 2005 de la Cour des Comptes sur le démantèlement.

Certains de ces chiffres tournent même à la polémique :

Quelques extraits du rapport 2011 Bataille Birraux n°3108 sur l'évaluation du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs 2010-2012

De quoi alimenter la polémique sur le couple coût-sécurité dans le nucléaire !

page 301 Sylvain Granger, directeur de la division Combustibles nucléaires d'EDF

« Il a rappelé que les provisions réalisées par les producteurs, sous forme d’actifs dédiés, correspondent à une évaluation de coût prudente à hauteur de quatorze milliards d’euros, fixée, en 2005, d’un commun accord, par le Gouvernement, les producteurs et l’ANDRA, sur la base d’une estimation initiale située dans une fourchette de neuf à dix-sept milliards d’euros. Il a exprimé son inquiétude quant aux conséquences de cette remise en cause sur les tarifs de l’électricité. Il a souligné, à ce sujet, que si le coût du projet s’étalait sur une centaine d’années, l’investissement nécessaire de 2017 à 2020-2025, pourrait varier, suivant l’architecture choisie, de cinq à quinze milliards d’euros. »

page 329 Philippe Deslandes, président de la CNDP Commission nationale du débat public

« M. Philippe Deslandes a évoqué les protestations publiques d’EDF face à l’annonce, par l’ANDRA, d’un accroissement de son estimation de coût du centre de stockage profond de 15 à 35 milliards d’euros. M. Claude Birraux a rappelé que l’article 14 de la loi du 28 juin 2006 prévoit que l’ANDRA fait au Gouvernement des propositions sur le coût du stockage puis, qu’après consultation de l’ASN et des producteurs, le Gouvernement en fixe le montant définitif M. Christian Bataille a relevé que des reproches du même ordre sont faits à l’égard des réacteurs EPR et ATMEA, jugés trop chers en regard de réacteurs moins élaborés et moins sûrs, comme les modèles coréens choisis par Abou Dabi, permettant de maximiser les profits. »

page 335

« M. Claude Birraux a évoqué les velléités de certains producteurs, motivées par l’annonce de l’ANDRA d’un accroissement de son estimation du coût du projet de stockage géologique profond, de présenter, à l’ASN, un projet alternatif, moins coûteux. M. André-Claude Lacoste a exprimé sa vive inquiétude à ce sujet. Seule l’ANDRA est légalement habilitée à présenter un projet en vue du débat public sur le stockage géologique profond. De ce fait, l’ASN a demandé aux producteurs de transmettre leurs propositions éventuelles par l’intermédiaire de l’ANDRA. A ce jour, l’ANDRA a d’ailleurs communiqué à l’ASN copie du dossier succinct soumis par l’un d’entre eux. »

page 338 André-Claude Lacoste, Président de l'ASN

« Dès les années 1970, bien avant la création de l’ASN, EDF attribuait déjà l’accroissement du coût de construction de ses centrales à la rigueur excessive des inspecteurs d’installations nucléaires de base, explication contredite, peu après, par un rapport du Gouverneur de la Banque de France de l’époque, M. Renaud de La Genière. »

Il y a de quoi s'inquiéter.

Quel est l'ordre de grandeur des charges futures dans le coût au MWh ?

La Cour des Comptes, dans son rapport 2005 sur le démantèlement, assure qu'au niveau d'EDF, l'importance de la charge future mérite d'être relativisée : réparties sur 40 ans, elle évalue à 1,4 MdE la charge annuelle théorique et 3,3 €/MWh, soit 10 % du coût de production électrique nucléaire (30 €/MWh). La Cour des Comptes qualifie son calcul de très approximatif.

Investigationfin va plus loin. Pour obtenir 3,3 €/MWh, cela signifie que la production annuelle est de 424,24 TWh soit sur 40 ans 17 000 TWh environ. Or la mission d'évaluation de mars 2000 aboutissait à un cumul de 18 111 TWh sur 41 ans, ce qui est proche, mais non actualisé. Surtout, ces 30 €/MWh ressemblent à l'ordre de grandeur du coût de production de l'EPR en une série de 10 (DIGEC 2003 27,4 ou 30,4 €/MWh). La Cour des Comptes relie par conséquent des coûts causés par le parc existant au coût de production estimé d'un parc futur !

Ce qui illustre bien le niveau en France sur cette problématique du coût de production de l'électricité nucléaire.

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