Investigation se lance dans une série d'articles sur le sujet du PIB, le Produit Intérieur Brut.

La croissance du PIB est l'un des chiffres les plus importants de la planète économie.

Le chiffre a beau évoluer (révisions), une fois publié, il semble gravé dans le marbre.

Et pourtant, des centaines (voire milliers) d'estimations, de sources, de calculs, de corrections sont nécessaires pour aboutir au chiffre de PIB en volume et en valeur. Pour bien s'en rendre compte, il faut parcourir certaines des 19 notes méthodologiques publiées par l'Insee sur la base 2000 des comptes nationaux. Dans un article je publierai des extraits savoureux de ces notes.

Il y a une contradiction apparente entre l'incertitude (non chiffrée) qui entoure la production même du chiffre du PIB et les certitudes d'opinions, de commentaires, de conjectures des politiques des économistes de nous-mêmes qui suivent la publication du chiffre de croissance du PIB !

Pour présenter les différentes approches de détermination du PIB, j'ai choisi de poser une question en apparence saugrenue :

Un pays peut-il avoir un PIB négatif ?

Je parle bien de PIB négatif, pas de croissance négative (apparemment la confusion est répandue !).

1) Approche théorique

Première possibilité de PIB négatif. Dans l'approche du PIB par les emplois, les importations sont une contribution négative (on peut aussi me faire remarquer que la variation de stock ou la FBCF peuvent être négatives) :

{ consommation finale effective + formation brute de capital fixe + variation de stocks + exportations - importations }

consommation finale des ménages (Insee) : celles des ménages et celles individualisables dans les Administrations ; dépenses supportées directement plus les loyers imputés des ménages propriétaires

FBCF (Insee) : acquisitions moins cessions d'actifs fixes réalisées par les producteurs résidents

variation des stocks (Insee) : valeur des entrées en stocks diminuée de la valeur des sorties et des pertes courantes

Exportations (Insee) : biens et services fournis par des résidents à des non-résidents, onéreux ou gratuits

Importations (Insee) : biens et services fournis par des non-résidents à des résidents, onéreux ou gratuits

Raisonnons par l'absurde sur des hypothèses extrêmes. FBCF = 0.

Supposons un pays qui n'exporte pas et qui importe. Sans consommation, c'est la variation de stocks qui digère les importations.

Néanmoins, supposez que les produits importés se détériorent ou bien perdent de la valeur, alors le PIB deviendrait-il négatif ? Non, là encore la variation de stock est là pour digérer cette évolution.

Pour une consommation finale nulle, on peut imaginer un pays (une île) sur laquelle les habitants ne dépensent rien (pêche et cueillette pour propre compte par exemple).

Néanmoins, la note méthodologique 3 de l'Insee indique que dans les comptes de production et d'exploitation des ménages purs sont retracées les activités des jardins potagers de la chasse et de la pêche pour compte propre.

http://www.insee.fr/fr/themes/comptes-nationaux/default.asp?page=base_2000/documentation/methodologie/resume_nb3.htm

Même à Koh Lanta les dépenses de consommation ne seraient pas nulles.

J'ai par conséquent du mal à voir comment, dans l'approche du PIB par les emplois, le PIB pourrait être négatif voire nul.

Deuxième possibilité. Dans l'approche du PIB par la production, les subventions sont une contribution négative mais les valeurs ajoutées brutes ne pourraient-elles pas être négatives également ?

{ valeurs ajoutées brutes + impôts - subventions }

valeurs ajoutées brutes (Insee) : des secteurs institutionnels ou des branches d'activité, valeur de la production diminuée de la consommation intermédiaire.

impôts sur les produits (Insee) : TVA, TIPP, droits de mutation à titre onéreux, droits sur les alcools et les tabacs.

subventions sur les produits (Insee) : transferts courants ans contrepartie que les administrations publiques ou l'UE versent à des producteurs résidents

Il faudrait que les consommations intermédiaires soient supérieures à la production (valeur des biens et services produits).

Supposez un pays qui ne produirait que des bijoux ratés qui ne valent rien à partir d'un or hors de prix ?

En l'absence d'impôts sur les produits (on peut rêver) ou de subventions, on se retrouverait avec un PIB négatif.

Très théorique.

Troisième possibilité. Dans l'approche du PIB par les revenus, en plus des subventions, l'EBE peut être une contribution négative.

{ rémunérations des salariés + impôts sur la production et les importations moins les subventions + excédent brut d'exploitation + revenu mixte }

rémunération des salariés (Insee) : salaires et traitements bruts en espèces et en nature, cotisations sociales effectives et imputées à la charge des employeurs

EBE (Insee) : solde du compte d'exploitation pour les sociétés (VA - rémunération des salariés - autres impôts sur la production + subventions d'exploitation)

revenu mixte (Insee) : solde du compte d'exploitation pour les entreprises individuelles (rémunération du travail effectué par le propriétaire et les membres de sa famille + profit)

Pour que le PIB soit négatif il faudrait que la rémunération des salariés ne soit pas très élevée relativement aux éventuelles contributions négatives. L'EBE pourrait être fortement négatif par de la consommation de services importés par exemple. Mais on a vu dans la première approche que normalement une augmentation des importations allait de pair avec celle des stocks !

Supposez un pays dont les résidents seraient sans activité (même pas d'éducation, que de la sieste et de la bronzette) mais qui importeraient des services (il faut bien que quelqu'un s'occupe d'eux, ce sera des non-résidents) ... alors PIB négatif ou pas ?

Pour les définitions des différents termes :

http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/produit-inter-brut-prix-march.htm

http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/liste-definitions.htm

2) Les PIB dans le Monde

Dans les faits (chiffres du FMI, PIB par habitant), pas de PIB négatif. On observe des chutes de PIB par habitant vertigineuses, mais de là à observer un PIB négatif !

Le PIB par habitant du sultanat de Brunei est passé de 36 223 dollars en 2008 à 25 386 dollars en 2009, soit une baisse de 30 % ! Celui du Koweit a diminué de 35 % ! Crise financière.

3) Lien PIB population Autres babillages pour mieux appréhender ce qui contribue ou pas au PIB

Si la population d'un pays était nulle, son PIB pourrait-il être nul ?

Intuitivement, le PIB semble lié à sa population, et la croissance du PIB à la croissance de la population. Un exemple sera donné dans l'article suivant.

Creusons un peu.

Si à chaque personne d'une population d'un pays était imputée sa contribution au PIB, que pourrions-nous observer ?

Prenons le cas d'un bébé, d'un salarié, d'un chômeur, d'un retraité.

Leur point commun, ils consomment. Contribution positive au PIB approche emplois.

Mais, dans l'approche du PIB par la production, en quoi un bébé pourrait-il présenter une contribution positive ?

Vous achetez un écran plat 800 euros ? De combien le PIB augmente-t-il ? C'est un produit, donc passer par l'approche production, valeur ajoutée du produit, impôts sur le produit (TVA), ...

Vous enseignez 20 heures de cours d'anglais par semaine. De combien le PIB augmente-t-il ? En tout cas il augmente, ce qui n'est pas le cas de la mère au foyer qui enseigne de l'anglais à domicile.

Vous dormez ? Zéro. Vous allez faire un jogging d'une heure ? Zéro.

Vous bricolez chez vous. Zéro ? L'Insee indique dans une note méthodologique (la 8 de septembre 2007) que la dépense de consommation des ménages ne tient pas compte de la production pour compte propre de services d'activité domestique, l'Insee cite la préparation des repas, le travail ménager, l'aide aux enfants dans leurs devoirs scolaires, le bricolage.

Bref, mère au foyer, vous comptez à peu près pour du beurre dans le PIB sauf bien sûr lorsque vous allez faire vos courses dans votre supermarché favori.