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Investigation Financière Economique et Boursière
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20 avril 2010

Les failles de la plainte SEC contre Goldman Sachs. Le bouc émissaire, le hedge fund. Et surtout l'investisseur principal ACA !

Qui était aussi celui qui avait décidé du choix du collatéral.

La SEC, le gendarme de la Bourse aux Etats-Unis, a rendu public vendredi 16 avril 2010 une plainte à l'encontre de la banque Goldman Sachs.

Le texte de la plainte fait 22 pages, l'effort est 100 fois moindre en théorie comparativement aux 2 200 pages du rapport Valukas sur Lehman Brothers.

Remarquons tout que le New York Times avait évoqué cette affaire assez précisément dans un article publié le 24 décembre 2009 Banks Bundled Bad Debt, Bet Against It and Won

http://www.nytimes.com/2009/12/24/business/24trading.html.

L'article citait notamment Fabrice Tourré, Jonathan M. Egol (son chef), le hedge fund Paulson & Company, Abacus (l'opération de CDO synthétique) et une enquête en cours à la SEC.

Ayant effectué une revue de presse initiale sur cette affaire (principalement Les Echos et le New York Times), la lecture attentive de la plainte suscite de ma part plusieurs interrogations.

Les deux premières ne sont pas inédites.

La troisième pourrait l'être.

Première faille de la plainte de la SEC

La plainte vise un seul individu, Fabrice Tourré, un salarié de 27 ans au moment des faits reprochés (en 2007).

Ce qui peut laisser penser à un bouc-émissaire, surtout que son responsable de l'époque, Jonathan Egol, lui, n'est aucunement inquiété.

Deuxième faille de la plainte de la SEC

Le hedge fund de John Paulson, Paulson & Co Inc, qui semble avoir participé activement à l'élaboration d'Abacus 2007-AC1 CDO, a empoché environ 1 milliards de gains en misant la baisse de l'instrument financier.

Source de la participation active : livre de Gregory Zuckerman (« The Greatest Trade Ever ») cité dans un article du journal Les Echos http://www.lesechos.fr/info/finance/020485571240-le-milliardaire-philanthrope-john-paulson-epargne.htm

Confirmation dans des extraits de la plainte, voir l'annexe n°1 en fin d'article.

Et pourtant, le hedge fund n'est lui non plus pas inquiété dans la plainte de la SEC.

Troisième faille de la plainte de la SEC

Cette faille que je vais développer concerne le rôle d'ACA (ACA Management LLC), une société ayant de l'expérience dans l'analyse du risque de crédit hypothécaire dans l'immobilier résidentiel.

Dans un premier temps, le rôle d'ACA apparaît comme celui ayant décidé, in fine, de la sélection du collatéral dans l'opération Abacus.

ACA aurait été approché par Goldman Sachs en janvier 2007 pour servir en tant qu'agent de sélection du portefeuille pour une transaction de CDO sponsorisée (à l'initiative de pour une meilleure compréhension) par le hedge fund de Paulson.

Quand ACA a-t-il été informé que le hedge de fund de Paulson investissait à la baisse ?

Difficile de répondre à cette question à la lecture de la plainte. En page 10, il semble que le 2 février 2007, ACA n'était pas au courant.

Mais la société mère de ACA, ACA Capital Holdings Inc, par une opération de couverture sur 909 millions de dollars de la tranche super senior de ABACUS 2007-AC1, s'est retrouvée autour du 31 mai 2007 exposée au risque de crédit via un CDS en échange du versement de primes de 50 points de base par an environ.

La plainte affirme que ACA Capital n'était pas au courant de la position short (à la baisse) de Paulson dans cette opération.

Par le jeu de divers CDS entre ABN Amro et Goldman Sachs et entre ABN Amro et ACA, ABN AMRO s'est retrouvée exposée à hauteur de ces 909 millions de dollars lorsque ACA Capital s'est retrouvée incapable d'honorer sa dette, début 2008 apparemment.

Au final, c'est Royal Bank of Scotland, qui faisait partie du consortium de banques ayant acquis ABN Amro fin 2007, qui a dû débourser à Goldman Sachs 841 millions de dollars, reversés au hedge fund de Paulson.

Le deal ABACUS 2007-AC1 avait été clôturé le 26 avril 2007.

Si, je dis bien si, ACA (partie ACA Management de ACA)devait être au courant avant fin mai 2007, je ne vois pas comment ACA Capital ne l'aurait pas été.

Pour illustrer mon propos, dans la plainte, un document de 65 pages émis par Goldman Sachs sur ABACUS 2007-AC1 est cité. Ce document est disponible sur le site du new York Times.

En confrontant la page 29 (ACA CDO Asset Management Organization Chart) avec la page 33 (ACA - ABC CDO Process), on peut lire qu'un certain nombre de personnes de ACA Capital participent théoriquement dans le processus d'élaboration de CDO, notamment dans la partie surveillance de l'analyse du crédit : Jeff Wyner (Vice Président CMBS Credit), Tracey Portney (Vice president RMBS Credit), Tom Latronica (analyste), Ritu Chachra (Associate), Greg Hackett (analyste). Dennis Kraft (Managing Director Head of ABS Credit dans ACA Capital) participe au comité d'approbation du collatéral.

Les liens entre ACA Management et ACA Capital semblent par conséquent ténus.

Quels ont été les investisseurs lésés (les pigeons) par le produit ABACUS 2007-AC1 :

- la banque commerciale allemande IKB basée à Dusseldorf, qui aurait investi 150 millions de dollars à la clôture du deal, autour du 26 avril 2007. Plusieurs mois après, IKB aurait quasiment tout perdu, les 150 millions de dollars ayant été versés au hedge fund de Paulson.

- la maison mère d'ACA Management, ACA Capital Holding, qui se serait exposée (voir plus haut) autour du 31 mai 2007 à hauteur de 909 millions de dollars. Début 2008, c'est RBS, suite au rachat partiel de ABN Amro et à l'insolvabilité de ACA qui a finalement payé la note.

Entre fin avril et fin mail 2007 quelqu'un peut-il m'expliquer ce qui s'est passé ?

Comment la maison mère de ACA Management a-t-elle pu se retrouver exposée à hauteur d'environ 900 millions de dollars un mois après la fin du deal alors que sa filiale ACA Management a été rémunérée seulement quelques millions de dollars (en tout cas probablement moins que les 15 millions de dollars réglés par Paulson à Goldman Sachs pour la structuration et le marketing du CDO) pour sélectionner le collatéral.

Etrange. Sauf si dès le départ ACA Capital était sur les rangs pour être investisseurs LONG sur ABACUS 2007-AC1 !

Cette troisième faille est la moins traitée médiatiquement (voir l'annexe n°2 sur le sujet).

Un communiqué de presse additionnel de Goldman Sachs du 16 avril 2010 insiste d'ailleurs sur la double qualité d'ACA : décideur dans la sélection du portefeuille et l'investisseur principal.

Goldman Sachs n'explique cependant pas pourquoi ACA Capital a investi un mois après IKB. Goldman Sachs affirme également que IKB a participé à la sélection du collatéral, ce que la plainte n'indique pas.

Une incertitude de plus à apurer.

Enfin, ces CDOs synthétiques exigent que les positions LONGUES du ou des acheteurs LONGS soient égales aux positions SHORT des acheteurs SHORT.

Selon moi, la plainte de la SEC marche du point de vue de ACA Capital (pas de IKB) si ACA Management et ACA Capital sont distincts de fait dans cette affaire, alors que les éléments relatés dans cet article penchent pour l'inverse.

D`'où cette troisième faille.

Annexe n° 1 Extraits de la plainte montrant la participation active du hedge fund de John Paulson dans le processus de sélection du portefeuille du CDO synthétique 'Abacus 2007-AC1

played a significant role in the portfolio process

after participating in the selection of the reference portfolio

Goldman sachs arranged a transaction at Paulson's request in which Paulson heavily influenced the selection of the portfolio to suit its economic interests

Paulson informed GS&Co that it wanted the reference portfolio for the contemplated transaction to include the RMBS it identified or bonds with similar characteristics

On January 27,2007, ACA met with a Paulson representative in Jackson Hole, Wyoming, and they discussed the proposed transaction and reference portfolio. The next day, on January 28,2007, ACA summarized the meeting in an email to Tourre. Tourre responded via email later that day, « this is confirming my initial impression that [Paulson] wanted to proceed with you subject to agreement on portfolio and compensation structure. »

On February 2, 2007, Paulson, Tourre and ACA met at ACA's offices in New York City to discuss the reference portfolio.

Later the same day, ACA emailed Paulson, Tourre, and others at GS&Co a list of 82 RMBS on which Paulson and ACA concurred, plus a list of 21 replacement RMBS.

ACA sought Paulson's approval of the revised list, asking, « Let me know if these work for you at the Baa2 level. »

33. On February 5,2007, Paulson sent an email to ACA, with a copy to Tourre, deleting eight RMBS recommended by ACA, leaving the rest, and stating that Tourre agreed that 92 bonds were a sufficient portfolio.

On or about February 26,2007, after further discussion, Paulson and ACA came to an agreement on a reference portfolio of90 RMBS for ABACUS 2007-ACl.

Annexe n°2 Comment la presse a traité l'information ACA ? Exemples Les Echos New York Times

Prenons les articles suivants publiés par Les Echos :

- 19 avril 2010 Fabrice Tourre : « Il faut que je saute, merci, au revoir »

http://www.lesechos.fr/info/finance/020485662817-fabrice-tourre-il-faut-que-je-saute-merci-au-revoir-.htm

- 19 avril 2010 Le milliardaire philanthrope John Paulson épargné

http://www.lesechos.fr/info/finance/020485571240-le-milliardaire-philanthrope-john-paulson-epargne.htm

- 19 avril 2010 Goldman Sachs attaqué pour fraude par la SEC : la finance américaine à nouveau ébranlée

http://www.lesechos.fr/info/finance/020485570503-goldman-sachs-attaque-pour-fraude-par-la-sec-la-finance-americaine-a-nouveau-ebranlee.htm

- 19 avril 2010 Comment la « machine à bulles » est entrée dans la tourmente

http://www.lesechos.fr/info/finance/020485570681-comment-la-machine-a-bulles-est-entree-dans-la-tourmente.htm

- 20 avril 2010 Les poursuites contre Goldman Sachs pourraient toucher d'autres firmes de Wall Street

http://www.lesechos.fr/info/finance/020488483895-les-poursuites-contre-goldman-sachs-pourraient-toucher-d-autres-firmes-de-wall-street.htm

- 20 avril 2010 SYLVAIN RAYNES EXPERT EN PRODUITS STRUCTURÉS « Le grand déballage ne fait que commencer »

http://www.lesechos.fr/info/finance/020487840895--le-grand-deballage-ne-fait-que-commencer-.htm

Seul le dernier article cite ACA, et encore, c'est la personne interviewée qui cite (« un petit intermédiaire ayant disparu depuis, qui aurait dû techniquement sélectionner les actifs. Apparemment, cela s'est passé différemment. ») ce tiers financier dont le rôle mérite une investigation plus approfondie dans cette affaire.

Les articles du NY Times sont techniquement plus précis :

- 24 décembre 2009 Banks Bundled Bad Debt, Bet Against It and Won

http://www.nytimes.com/2009/12/24/business/24trading.html

- 17 avril 2010 SEC Accuses Goldman Sachs of Defrauding Investors By THE ASSOCIATED PRESS

http://www.nytimes.com/aponline/2010/04/17/business/AP-US-SEC-Goldman-Sachs-Charged.html

- 17 avril 2010 S.E.C. Accuses Goldman of Fraud in Housing Deal

http://www.nytimes.com/2010/04/17/business/17goldman.htm

- 18 avril 2010 Top Goldman Leaders Said to Have Overseen Mortgage Unit

http://www.nytimes.com/2010/04/19/business/19goldman.html?hp

Si la participation active d'ACA dans le choix des actifs du CDO est mise en avant, la qualité d'investisseur ne l'est pas.

Les communiqués de presse de Goldman Sachs ont donc raison de rappeler ce fait essentiel. ACA s'est retrouvée principal investisseur de ABACUS 2007 AC1.

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